Tukulti-Ninurta I contre les pays de Kummanu et Kummuhu

Tukulti-Ninurta a régné au 13ème siècle avant notre ère sur le pays d’Assur. Il s’agit du roi médio-assyrien qui nous a laissé le plus d’écrits.
De Kar-Tukulti-Ninurta, la nouvelle capitale du roi Tukulti-Ninurta I, plusieurs textes ont été publiés, d’abord par King dans « Records of the reign of Tukulti-Ninib L » et ensuite repris par D.D. Luckenbill dans « Ancient records of Assyria and Babylonia ».
Ici il a été choisi de garder les orthographes des toponymes des premiers traducteurs et, entre parenthèses, de faire apparaître les désignations de l’âge du bronze les plus communes, avec l’éventuel lien vers l’article de ce blog.
Voici un extrait qui montre le maximum de toponymes et qui constitue, probablement, un résumé de la carrière militaire de Tukulti-Ninurta I :
« Durant mon accession au trône royal, lors de ma première année de règne, j’ai éconduit 28 800 guerriers hittites (1) de l’autre côté de l’Euphrate. Dans les montagnes Iauri (Kasiari), mes mains ont conquis les Kurti (2) et Ukumani (Pays de Kummanu) de Sharnida (Surnat) à Mehri (Mehru). Tous les ans, j’ai réceptionné en abondance le tribut de leurs pays. J’ai brûlé Kutmuhi (Kummuhu) (3), Bushshi (Bazu), Alzi (Kallasu), Madani (Amadanu), Nihani (probablement Nihriya), Alaia (Kalilu), Teburzi (Tiburziya), Burukuzzi (4) – toute l’étendue des Shubaru (Subartu). Les rois, leurs gouvernants, je les ai soumis à mes pieds et je les ai imposés.
De méchantes montagnes, une région ennuyeuse, dont les chemins n’étaient pas connus des rois précédents, je les ai aménagés avec ma puissance. J’ai traversé leurs chaînes avec des haches de bronze et j’ai ouvert grand leurs sentiers fermés. J’ai combattu contre 43 rois des pays de Nairi. J’ai défait leurs armées. J’ai mis toutes leurs terres sous mon emprise. »

Voici plus de détails des premières années de pouvoir, trouvées dans les ruines d’Assur et rapportées par Albert Kirk Grayson dans « Assyrian royal Inscription » :
« Durant ma première année de règne, j’ai marché vers le pays d’Uqumenu (Pays de Kummanu).
J’ai réduit en ruines la totalité des collines du pays des Qutu (5). J’ai entouré leur armée de tempêtes de sables. À cette époque, ils se sont regroupés contre mon armée sur un terrain accidenté et très montagneux. Ils ont farouchement pris position en faveur du conflit armé. Faisant confiance à Assur et aux grands dieux, mes seigneurs, j’ai frappé et provoqué leur défaite. J’ai rempli les grottes et les ravins des montagnes de leurs corps. Je suis devenu le seigneur du large pays des Qutu (5). Avec joie et autorité je me suis tenu parmi eux.
J’ai capturé les hordes de princes d’Abuli[...], rois du pays des Uqumenu (Pays de Kummanu) et les ai amenés liés jusqu’à ma ville, Assur (Assur). Je les ai fait jurer par les grands dieux du ciel et des enfers, je leur ai imposé le joug exigeant de ma seigneurie puis je les ai relâchés dans leurs terres. Tous les ans je reçois, avec cérémonial, leur riche tribut dans ma ville, Assur (Assur).
La terre d’Ilhunia (6), montagnes lointaines, dont les chemins d’accès sont extrêmement difficiles et dont le terrain est [...] pour le mouvement de mon armée [...] les habitants ont pris peur devant la férocité de ma guerre et se sont prosternés devant ma puissance. Je leur ai imposé un tribut et un impôt. A ce moment-là je marchais vers le pays de Sharnida (Surnat) et le pays de Mehru (Mehri). Avec les moyens de l’armée du pays de Qutu (5), qu’Assur et les grands dieux m’ont attribué.
J’ai coupé de puissants troncs du pays de Mehru (Mehri) et je les ai amenés dans ma ville, Assur (Assur). J’ai étayé le palais seigneurial que j’aime avec ces poutres du pays Mehru (Mehri).
Cette année-là cinq cités fortifiées du pays de Kadmuhu (Kummuhu), de fortes capitales, qui, pendant une paix trompeuse, ont récupéré mes gens et ont pillé ma terre. Je les ai vaincus dans la plénitude du temps. Comme un tremblement de terre, j’ai secoué leurs sanctuaires. J’ai ramené des captifs et leurs biens dans ma ville, Assur (Assur).
Il s’agit de tout le pays de Shubaru (Subartu), la totalité du mont Kasiari jusqu’au pays d’Alzu (Ullisum) – qui précédemment, durant le règne de Shalmaneser, roi de l’univers, mon père, s’étaient rebellés et avaient refusés l’hommage, mais s’étaient unis sous un seul commandement -. J’ai prié le dieu Assur et les grands dieux et j’ai marché au-delà du Mont Kasiari. Dans un cercle, j’ai enfermé le pays de Shubaru (Subartu), le pays d’Alzu (Ullisum), et leurs rois alliés. J’ai conquis le grand centre culturel du pays de Purulumzu (Purulumzu). J’ai brulé les habitants vifs et le reste de leur armée je les ai pris captifs. J’ai conquis quatre fortes capitales d’Ehli-Tessub, le roi du pays d’Alzu (Ullisum), et six cités fortifiées du pays d’Amadanu (Amadanu). Les captifs et leurs biens je les ai ramenés dans ma ville, Assur. Ehli-Teshub, roi du pays d’Alzu (Ullisum), s’est précipité face à ma majesté et, emmenant ses courtisans et ses fils, il a abandonné tout son pays et s’est rendu secrètement jusqu’à la frontière même de Nairi (Pays de Nairi), vers une terre inconnue. Le reste de leur armée qui avait fui au milieu de la bataille, craignant la violence de ma guerre, courut vers les montagnes rocheuses pour sauver leur vie. J’ai détruit 180 de leurs cités fortifiées. J’ai ajouté à mon pays les régions des pays d’Alzu (Ullisum), Amadanu (Amadanu), Nihanu (probablement Nihriya), Alaya (Kalilu), Tepurzu (Tiburziya) et Purulumzu (Purulumzu) (7). J’ai pris des otages parmi eux, je les ai maîtrisés à mes pieds, et je leurs ai imposés des corvées.« 
Remarques :
(1) Tikulti-ninurta est contemporain de l’époque de l’invasion des peuples de la mer et aussi, probablement, le vainqueur de la guerre contre les Hittites à Nihriya. Dans ces textes médio-assyriens il est observé une extension des pays de l’ouest de l’Euphrate vers l’orient. C’est le cas du pays de Kummanu (ici orthographié Ukumani) dont l’étendue de Sharnida (Surnat) à Mehri (Mehru) se retrouve dans des textes ultérieurs avec l’orthographe Kummani. C’est aussi le cas pour le pays de Kummuhu, souvent orthographié Kutmuhi ou Kudmuhi. Il faut d’ailleurs observer que D.D. Luckenbill a précisé entre parenthèses que Kutmuhi était la classique Commagène. Les pays de Kummanu et de Kummuhu devaient être des dépendances de l’Empire des Hittites.
(2) Les Kurtéens sont probablement les habitants du pays de Kurda évoqué dans les textes du début du deuxième millénaire et déjà présents au sud des monts Kasiari à l’époque de la splendeur de Mari
(3) Dans ce blog, Kutmuhi et Kadmuhu sont considérés comme un seul pays, plutôt identifié Kummaha dans les archives hittites et Kummuhu dans les archives assyriennes. Les deux dénominations Kummaha et Kummuhu sont volontairement conservées car elles représentent, probablement, des étendues géographiques différentes. Il faut d’ailleurs noter, dans ces premiers textes médio-assyriens, que Tepurzu et Purulumzu, pourtant localisées dans ce blog dans la région de la classique Commagène, ne semblent pas faire partie du pays de Kummuhu sous Tikulti-ninurta I (mais plutôt du pays d’Alzu) ce qui est en phase avec une géographie différente – plus vers le nord-ouest – de ce pays à l’époque du début du Nouvel Empire Hittite.
(4) Luckenbill a systématiquement orthographié ce toponyme « Burukuzzi » alors que Kirk Grayson a lu « Purulumzu » (Purulumzu), c’est cette dernière qui est retenue dans ce blog
(5) Les Qutu sont mentionnés dans diverses annales des rois médio-assyriens. Il est possible qu’ils soient ceux qui ont été désignés « Guti » dans les textes du début du deuxième millénaire. Auquel cas le roi médio-assyrien indique ici les avoir soumis (sans doute dans les montagnes du Zagros) pour mieux expliquer ses succès ultérieurs.
(6) Nom d’une ville (Iluna-ahi) et d’un souverain. Une autre inscription désigne ce roi médio-Assyrien par Iluia roi de Kummanu.
(7) Amadanu (Amadanu), (probablement Nihriya), Alaia (Kalilu), Tepurzu (Tiburziya) et Purulumzu (Purulumzu) apparaissent ici faire partie du pays d’Alzu (Ullisum)

Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus