Tatana : Une femme divorcée réfugiée en Eqlum

Dans « Kültepe Tabletleri VII-b », Sebahattin Bayram, Remzi Kuzuoglu et Omer Kahya ont traduit des courriers relatifs aux relations qu’avaient Pilah-Istar avec Tatana, la première femme avec laquelle il a divorcé.

Statuette féminine

Statuette féminine – Musée de Turquie

Les auteurs indiquent que leurs pères respectifs, Assur-réi et Agiya étaient en relation d’affaires il y a près de 4000 ans et que c’est probablement dans ce cadre que Pilah-Istar et Tatana se sont rencontrés, très jeunes. En tant que fille de commerçant, Tatana disposait de son propre sceau, et prenait elle-même des initiatives, sous la vigilance de son père, quant aux échanges de cuivre et d’argent.
D’autres textes garantissent que Tatana était la femme de Pilah-Istar, mais « Kt 88/k 724 » nous apprend l’existence d’une autre femme de Pilah-Istar, probablement à Kanès même : « Pour Pilah-Istar ; Tatana dit : « […] je ne suis pas ta femme ! Ta femme est Walawala. Quel crime ou délit ai-je commis pour que tu ne me laisses pas partir ? De la faim […] »
Les traducteurs indiquent, de plus, que d’autres tablettes font apparaître que, plus tard, Pilah-Istar a également divorcé de Walawala. Les relations entre Pilah-Istar et Tatana font l’objet d’une série de courrier traduits dans « Kültepe Tabletleri VII-b ».
« Kt 88/k 717 » montre que Tatana a réussi à s’extraire, avec son père, de son état de femme cloîtrée à Kanès : « Agiya et Tatana disent ; à l’attention de Walhasna et Abi-basti : Nous sommes sortis sains et saufs de Tegarama. Notre instruction viendra de Hurama […] ».
Dans « Kt 88/k 718 » Pilah-Istar reproche à Tatana d’avoir délaissé ses responsabilités à Kanès : « Pilah-Istar dit ; Pour Tatana « Quelle importance accordez-vous à la propriété commerciale que vous avez laissée à mon frère Suzu au début de votre voyage ? Mahsi a tout vendu, y compris la statue du dieu de la femme de Suzuzu et mes marchandises. À qui a-t-il donné tout cela ? c’est pour répondre à une demande ? En a-t-il fait cadeau ? Soit il a mis en gage le chaudron et le sumdianum, soit il les a vendus. Donnez-moi votre avis honnête sur cette affaire. Avez-vous protégé les biens de la maison afin que rien ne soit détruit et que mon cœur ne tombe pas malade ? Vous n’avez quand même pas offert le chaudron ou la pioche en cadeau ? et vous n’avez pas gardé de cochon ou de porcelet à la maison, n’est-ce pas ? […] »

Villes paléo-assyriennes localisées dans ce blog

Villes paléo-assyriennes localisées dans ce blog

« Kt 88/k 423 » destiné à Masi-ili, l’affréteur maritime à Ulama, montre des difficultés, apparemment liées à des esclaves de l’escorte de Tatana, au passage de la frontière.
« Kt 88/k 269 » et « Kt 88/k 455 » sont des décisions du karum de Wahsusana qui actent de l’état de divorce :

  • « Le sceau de l’Assemblée Générale du karum de Wahsusana. Le Karum a rendu son verdict : Tatana, la fille d’Agiya et l’épouse de Pilah-Istar, est gardée ici. Elle ne quittera pas Eqlum (à construire). Jusqu’à ce que Pilah-istar se rende à Kanès et vérifie l’entreprise, les articles ménagers et les documents de son père, Pilah-Istar donnera à sa femme Tatana 8 mines de cuivre de mauvaise qualité par mois pour sa nourriture, son huile et son bois de chauffage. Ce document taksitum est la copie de la tablette enveloppée concernant la décision du karum. J’ai laissé sa copie avec la tablette enveloppée à Wahsusana. »
  • « Le sceau de Puzur-Istar, fils d’Agua. Le sceau d’Isaliya, fils d’Alulaya. Le sceau de Bur-Assur, fils d’Ela-ili. Le sceau de Summa-libbi-Assur, fils d’Amur-Assur. Le sceau de Tatana. Pilah-Istar et son épouse Tatana, d’un commun accord, ils nous ont retenus comme témoins, et nous avons terminé leur affaire dans ce document, et Tatana a dit à Pilah-Istar : « J’avais peur d’être gardée à Kanès et [...] ici, j’ai ouvert votre sceau et vos tablettes enveloppées [...] Je les ai retirées et remises à leur place. Le reste de vos documents est dans le cabinet tamalakkum de la compagnie de votre père, il se trouve à Maknakum. L’entreprise de votre père et les biens que vous m’avez laissés sont en sécurité. » Tatana a également déclaré : « Laisse-moi t’annoncer la nouvelle, va payer 2 mines et 10 shequels en argent pour la dette afin que tu puisses récupérer tes papiers et les objets appartenant à l’entreprise de ton père et laisse tes mains tenir les 2 esclaves. […] tes documents et les objets de l’entreprise de ton père en Wahsusana, jusqu’à ce que tes mains tiennent les 2 esclaves pour nous, tes meubles et tes mains tiendront la compagnie de ton père et les deux esclaves et [...] envoyés ici depuis Kanès. ».

Il semble que les ex-époux ont continué de traiter ensemble d’affaires commerciales, Tatana s’occupant du comptoir de Wahsusana. Sa réputation en affaire transparaît dans « 88/k902 » : « Ennam-Assur dit ; Pour Assur-tab ; Remettez les documents de Pilah-Istar, scellés de leur sceau, à Su-Kubum. Tu as dit : j’irai en Eqlum (à construire), garde les documents avec toi. Tu ne les laisseras pas entre les mains de la femme là-bas, et il n’y aura pas de négligence !»
Nous savons, par d’autres textes de Kanès, que, pour les marchands assyriens la norme était d’avoir une épouse à Assur et une autre en Anatolie. En revanche deux épouses en Anatolie n’était pas admis. Mais ici on ne sait pas ce qu’il en était des épouses localisées sur l’île de Chypre : Possiblement qu’une épouse en Eqlum (à construire) en plus de celle de Kanès était acceptée.

Ces textes sont fondamentaux pour affirmer que, par « Eqlum » (à construire) les marchands assyriens désignaient l’île de Chypre : Wahsusana en était alors la ville principale.

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