Alors qu’en Égypte même on s’interroge sur l’emplacement du port, appelé Perounefer dans les hiéroglyphes, permettant l’accès à la mer méditerranéenne, la découverte de tablettes à Amarna a constitué une importante avancée quant à la connaissance des pays et des villes du Levant sous contrôle égyptien durant le Nouvel Empire.
Beaucoup de toponymes mentionnés dans les lettres sont compris et positionnés (Arwad, Assur, Biruta, Damas, Gubla, Tyr, Qatna, Sidon, …). Ce qui a permis de découvrir que l’Égypte possédait de nombreux ports par l’intermédiaire, notamment, des pays d’Amurru et de Canaan (écrit Kinani ou Kinaha). Et aussi des cités de l’intérieur des terres du Levant, notamment par le contrôle du pays d’Upi. Ces courriers relatent des conflits entre ces différents rois intermédiaires et notamment une expansion de l’Amurru au dépend du roi de Byblos au Canaan.
Voici les pays et leurs villes qui apparaissent dans les courriers d’Amarna :
- Du pays d’Amqu : Hasi, Hasabu, Enisasi et les ports Irqata et Ardata qui ont été soumis à l’Amurru ;
- Du pays d’Upi : Ruhizzi, Lapana, Damaski et Kumidu ;
- Du Canaan : Byblos, Tyr, Sidon, Hinnatuna et, sans être sûr d’une continuité territoriale, les ports de Sumur, Sigata, Ampi et Ullasa ;
- Du pays d’Amurru : Tunip et les ports de Byblos à Ougarit, à savoir Arwad puis Irqata et Ardata.
Les textes d’Alalakh et d’Ougarit, plus anciens, confirment l’existence de ces pays.
Toutefois, les correspondances de Rib-Hadda, souverain de Byblos du pays de Canaan, qui assurait un contrôle des principaux ports de la Méditerranée, montrent des noms de villes aujourd’hui non localisées. Le port de Sumur y apparaît comme une cité importante, lieu d’accueil d’une garnison égyptienne.
Aujourd’hui, Sumur est majoritairement positionnée au Tell Kazel, en s’appuyant notamment sur une description de Strabon qui a relevé vers cette région une petite localité de Simyra. Il est possible que le célèbre géographe évoquât Samra, c’est à dire le petit village proche de l’ancienne Ougarit. Les fouilles du Tell Kazel ont montré une occupation débutant vers la fin de l’âge du bronze, à partir du XIIIe siècle avant notre ère. Ce qui, normalement, devrait plutôt être la date de la fin de l’occupation. Et puis ce n’était pas un port !
EA71 et EA76 montrent que Ampi et Sigata faisaient partie d’un même pays qui n’a pas pu être traduit (voir les commentaires de W.L. Moran dans « Les Lettres d’El Amarna »).
Dans ce blog, il est fait une autre proposition géographique pour Sumur : à la classique Limyra, au sud de l’Anatolie, dont le nom lycien était Zemure et qui est vraisemblablement la Zumarri des Hittites.
http://antique.mrugala.net/Divers/Dossiers%20de%20l’archeologie%20239%20-%20Xanthos/
Cette hypothèse est consolidée par le positionnement d’autres ports au sud de l’Anatolie, entre Arwad et Zumarri, mentionnés dans les courriers d’Amarna et dans d’autres archives dont voici les principales orthographes (noms dans les lettres d’Amarna, puis noms d’autres archives et en dernier le nom gréco-romain) :
- Salhi, Sehlali, Saliya : Soloi Pompeipolis ;
- Ullasa, Ulassa, Hulassa, Uluzi : Eleussa ou Elaioussa Sebaste ;
- Wahliya, Hawaliya : Alanya ;
- Wastissa : Aspendos ;
- Simmuwa à proximité de Sahita : Simena.
Chacun de ces lieux fait l’objet d’un article exposant les arguments du rapprochement (cliquez sur les noms des villes pour les lire). Ces localisations donnent plus de sens aux courriers de Byblos : Ampi et Sigata ont été les premières villes prises par le roi d’Amurru, puis ce fut Wahliya et Ullasa. Ces changements ont isolé la ville de Sumur.
Voici d’autres arguments :
- Le toponyme existe aussi dans des archives antérieures au 13e siècle avant notre ère : celles des Hittites, celles d’Alalakh et d’Ebla, sous les orthographes respectives de Zumarri, Summar, Sumuru, démontrant ainsi qu’il s’agit d’un lieu habité depuis le début de l’âge du bronze.
- Dans EA114, Rib-Hadda mentionne avoir exceptionnellement fait transiter un messager de Sumur vers le pharaon en passant par l’île de Chypre alors que ce dernier ne pouvait pas entrer dans Sumur par la route (c’est-à-dire que le messager n’a pas pu emprunter que la seule voie maritime). L’étape transitoire par l’île de Chypre n’a pas de sens avec un positionnement de Sumur au Tell Kazel, elle en a avec l’hypothèse de ce blog ;
- Le courrier EA 38 du roi de Chypre montre que le pharaon soupçonne la présence de résidents de l’île d’Alasiya avec des hommes du Lukka parmi des insurgés. Le pays de Lukka, qui est devenu la Lycie, s’est effectivement développé au sud de l’Anatolie et devait être un des fournisseurs d’hommes à Abdi-Asirta puis à son fils Aziru. Il est probable que le pharaon faisait allusion aux pertes de ses ports du sud de l’Anatolie ;
- Enfin, un texte de Kalhu, attribué à Teglath-Phalasar III, évoque en même temps Simirra et Zimarra : « J’ai exercé mon autorité sur […], la ville de Hatarikka, le lointain mont Saue, […], les villes de Gubla (Gibala), […], Simirra, Arqa, Zimarra, […], Usnu, Siannu, Maraba, Rêsi-suri, […], des comptoirs […] de la mer supérieure. J’ai désigné six eunuques comme gouverneurs pour les diriger ». Cette liste ne signifie pas que toutes les cités mentionnées sont sur la côte du Levant.
Par ailleurs, encore plus vers l’ouest de l’Anatolie, les toponymes hittites Parista, Iyalanda, Triyanda, Mutamutassa et Oura semblent aussi être ceux de cités portuaires, mais en dehors de la souveraineté égyptienne.
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