Tarhuntassa et/ou « pays de la rivière Hulaya », est devenu un royaume au sud du Hatti vers 1280 avant J.-C. Deux traités retrouvés à Hattusa, CTH 106 d’abord – entre Ulmi-Teshub et un roi hittite inconnu – puis Bo 86/299 – entre Tuthaliya IV et Kurunta – décrivent ses villes frontières.
La plupart des toponymes ne sont pas, aujourd’hui, identifiés. Seules quelques villes, ou États, mentionnés sur d’autres tablettes, ont permis d’entrevoir le positionnement géographique de ce royaume. Pour la plupart des spécialistes, la rivière Hulaya était le Carsamba Su qui descend de la dépression du Beysehir et cours, via le Sugla Gölü, vers la plaine de Konya. De nombreux tumulus, effectivement datés de cette période, ont été constatés le long de cette rivière.
Voici les villes et pays stipulés sur ces traités (informations extraites de « Les Hittites et leur histoire » de Jacques FREU et Michel MAZOYER).
Les chercheurs sont d’accord pour voir surtout la limite avec le Hatti en début des deux traités (du point 2 au point 9) :
1. En direction du Pitassa : le mont Hawa, le kantanna de la cité de Zarniya au Hulaya, Sanantaruwa au Pitassa ; et en direction du district-frontière du Pitassa : le gouffre d’Arimmata appartient au Pitassa ; Nahhanta et Hautassa appartiennent au pays de la rivière Hulaya ;
2. En direction du mont Huwatnuwanda, la frontière est la zone humide qui appartient au pays de la rivière Hulaya, et en arrière de Kusawanta la stèle du chien sert de borne frontière ;
3. En direction d’Ussa, Zarata au Hulaya, Hazaruwa du pays d’Ussa ;
4. En direction du mont Kuwaliyatta, autrefois, la frontière était la cité de Suttasna, et puis elle a été déplacée à Santimma ;
5. En direction de Wanzataruwa, du mont Kuwaliyatta et de Kunzinasa : le mont Arlanta et Alana ; l’eau descendant du mont Arlanta appartient conjointement au Hatti et au pays de la rivière Halaya ;
6. En direction de Sinnuwanta : le mont Lula avec la cité de Ninainta appartient au pays de Hulaya ;
7. En direction de Zarnusa, le harmina du Hulaya ;
8. En direction de Zarwisa : le mont Sarlaimmi ;
9. En direction de la Haute Montagne : Saliya au Hatti.
Voici les lieux évoqués sur une carte contemporaine, en dehors des villes déjà identifiées dans ce blog, pour lesquelles il suffit de cliquer sur le lien pour avoir les informations :
Au point 1 : Ce blog propose une localisation argumentée du Pitassa. Cette hypothèse est renforcée par le toponyme « Sanantaruwa » qui ressemble fortement à celui de « Salutaire » ou « Salutaris » qui qualifiait la région orientale de la Phrygie au millénaire suivant ;
Au point 2 : le mont Huwatnuwanda est l’Odunbogazi au nord du lac salé Tuz Gölü, ce dernier est la zone humide ; Kusawanta est probablement le Kızlar Höyük ;
Le point 4 n’apparaît que sur le traité le plus récent ;
Au point 5 : Parmi les trois montagnes évoquées il doit y avoir l’Hasandag. Le mont Arlanta est le Melandiz et, donc, la rivière frontière est le Melendiz (Uluırmak en Turque) qui forme une vallée très encaissée.
Au point 7, le traité le plus récent présente une modification : « En direction de Zarnusassa, la frontière passait par le harmina du Hulaya ; mais moi j’ai fait d’Uppassana sa frontière ».
Jacques Freu et Michel Mazoyer ont noté :
• Au point 6 : que le mont Lula et la cité de Sinnuwanta peuvent être rapprochés de ceux de la forteresse byzantine de Loulon et la cité de Sinandi qui a été située près d’Ivriz ;
• Au point 8 : que le mont Sarlaimmi était une montagne sacrée invoquée à Huspina, et que, donc, ce mont correspond à l’actuel Ivriz Dag.
Voilà pour la frontière avec le Hatti, clairement il s’agit d’une description ouest-est puis nord-sud où le lac salé, le Tuz Gölü, est dans le territoire du nouveau pays, conformément à un complément qui stipule que toute la saline a été donnée à Kuranta. Cette description, qui ne fait pas l’unanimité, amène, dans ce blog, à faire des rapprochements inédits pour Acem höyük et Aksaray concernant les toponymes hittites Ankuwa et Hazaruwa,
Par la suite les deux traités semblent repartir de l’ouest pour aller vers l’est, mais du côté de la Mer Méditerranéenne. Ils présentent des différences, liées à des conquêtes réalisées vers la côte sud entre les deux dates de rédaction.
CTH 106 est ainsi libellé :
- En direction du pays ennemi : Walwara et ses diverses dépendances : Mata, Sanhata, Surimma, Saranduwa, Tatassi et, à partir de Saranduwa, toute cité qui sera atteinte par la force des armes appartiendra au pays de la rivière Hulaya ;
- En direction de Walma : Alluprata (ou Allubrata) et Huhhura.
Alors que Bo 86/299 est beaucoup plus détaillé :
- En direction d’Usawala : Hassuwanta, Mila, Palmata, Hasha, Sura, Sinnuwanta et ses dépendances délimitent le pays vassal mais lui appartiennent ;
- En direction de Hawaliya : Walwara, Harhasuwanta, Tarapa, Sarnanta, Tupisa, Paraiyassa et les dépendances de la cité de Nata, toutes appartenant au pays de Hulaya, forment la frontière ;
- En direction de la mer : Mata, Sanhata, Surimma, Saranduwa, Istapanna, les dépendances de la ville de Sallusa, et les villes de Tatta et Dasa, toutes appartenant au pays de Hulaya. La cité de Saranduwa, en direction du district frontière, à la mer comme frontière ;
- En direction du district frontière de la cité de Parha, la rivière Kastaraya forme la frontière, toute cité qui sera atteinte par la force des armes appartiendra au pays de la rivière Hulaya ;
- En direction du district frontière de la cité de Walma, les localités du pays de Hulaya sont Huwahhuwarwa, Alluprata, Kaparuwa, Hassuwanta, Walippa et Wala.
Il faut comprendre qu’à la date du premier traité, le pays de Tarhuntassa n’avait pas d’accès à la mer, à son sud était un (ou plusieurs) pays ennemi(s) maritime(s).
Cependant à la date du deuxième traité, Bo 86/299, une ville vers le bord de mer ne fait toujours pas partie de Tarhuntassa : Hawaliya. D’autres ont été incorporées au royaume : Istapanna, les dépendances de la ville de Sallusa et Saranduwa.
Usawala est possiblement l’ancienne Isaura, qui sera, sous l’époque Gréco-romaine, la capitale de l’Isaurie.
Ce nouvel État était-il la juxtaposition de deux régions, Tarhuntassa et le pays de la rivière Hulaya, ou ces deux noms désignaient-ils un même territoire ?
Il est probable que ces deux pays sont ceux que les Grecs ont appelé Lycaonie et Isaurie, quelques siècles plus tard.
Les frontières sont matérialisées par des reliefs, le plus souvent réalisés par les successeurs de l’âge de fer, qui ont gravés leurs noms sur des hauteurs :
- Ainsi, celles du roi Harpatu (8e siècle avant notre ère) font partie du royaume de Tarhuntassa ;
- Celles de Warpalawa (8e siècle avant notre ère) concernent le royaume de Tuwana, au sud-est ;
- Celles de Tuthaliya IV peuvent correspondre au Pitassa.
https://www.hittitemonuments.com/
A Türkmen Karahöyük, la récente découverte d’une nouvelle inscription louvite du Grand Roi Hartapu, fils de Mursili, rend probable la localisation de la capitale du pays de Tarhuntassa en ce lieu.
L’inscription de Kurunta à Hatip, à 9km au sud de Konya, montre que la frontière du pays de Tarhuntassa passait très près de cette grande ville, sans l’inclure.
« Tarhuntassa » proviendrait du dieu Tarhunta. Celui-ci est représenté sur un bas-relief à Ivriz, avec le roi Warpalawa de Tuwana.
PS : Une annexe de Bo 86/299 décrit des lieux qui ont été donnés sans leurs habitants et ou des populations à l’intérieur du pays de Tarhuntassa qui avait appartenu au roi du Hatti : « Anta et ses établissements déserts, les villes de Lahhiwayassi, Wastissa, Hadduwassa, Handawa, Daganza, Simmuwa, Sahita, les hommes de Kammama soumis à des obligations de service, les écuyers d’or de Walistassa, les cités d’Inurta, Wattanna, Malhuwaliyatta, Kasuriya, Sawiya, Pariyassa, Annauliliya, Puhanta, Gurtanassa, les cultivateurs de grenadiers de la cité d’Aralla, le peuple de la cité d’Arawanna, la cité d’Uppassana et les éleveurs d’oiseaux ». De nombreuses villes de la classique Lycie se retrouvent ici, ce qui signifie que ce document a été rédigé après la conquête du pays de Lukka par Tuthaliya IV.
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