Dans les archives de Hattusa, Mira est un des pays de l’Arzawa. Voici, extrait de « L’apogée du Nouvel Empire Hittite » de Jacques FREU et Michel MAZOYER, CTH 68 qui décrit les frontières du pays de Mira du temps de Mashuiluwa et de Mursili II :
« De ce côté, en direction de la cité de Maddunassa (1) le camp fortifié de Tuthaliya sera ta frontière. Et d’un autre côté le gouffre de la cité de Wiyanawanda (2) sera ta frontière. Tu ne la franchiras pas en direction de la cité d’Aura (3). De ce côté, en direction de la rivière Astarpa (4), le pays de Kuwaliya (5) sera ta frontière. Ce pays qui sera le tien, protège-le ! Tu ne fonderas aucune cité sur la rivière Astarpa (4) ou sur la rivière Siyanta (6) … ».
Remarques :
(1) Maddunassa est possiblement la frontière avec le pays de la rivière Seha vers la fin de l’Empire Hittite.
(2) Wiyanawanda apparaît dans de nombreux autres textes, elle est admise comme étant la ville gréco-romaine d’Oenoanda le long du fleuve Xanthos. Cependant, ici il s’agit d’un lieu traduit « gouffre de la cité de Wiyanawanda » qui peut être non loin.
(3) Dans ce blog, Aura est la classique Ariassus.
(4) La rivière Astarpa est connue dans d’autres textes ; la ville d’Ulama en était proche. Il s’agit donc ici de la frontière nord-est.
(5) Le pays de Kuwaliya est vraisemblablement la Kabalis gréco-romaine. Kuwaliya s’est déformé en Kuvali puis Kubalis, Kabalis. Lors de l’âge du bronze, ce pays était probablement situé davantage vers le nord, autour de la ville centre proposée dans ce blog ici. Toutefois les annales de Mursili II montrent qu’il y a eu des conflits avec de nombreuses captures de cités.
(6) Des historiens considèrent que la rivière Siyanta est le Méandre. Ici la rivière de la classique Sinda est préférée. Et cette rivière Siyanta semble être la seule référence à la frontière avec l’Arzawa minor.
En plus, dans le traité entre Mursili II et Kupanta-Kuranta, il est indiqué que des garnisons ont été laissées par le grand roi dans le pays vassal à Impa, Arsani, Sarawa et Hapanuwa.
Jacques FREU voit Sarawa comme étant la classique Saroua près de Synnada. Dans ce blog la classique Soura de Lycie est préférée. Hapanuwa est revendiqué comme étant le nom hittite de Afyonkarahisar. Ce qui peut correspondre à une extension vers le nord-est, limitée dans le temps.
Par ailleurs, deux inscriptions en montagne mentionnent Mira :
- Au col de Karabel, non loin de l’ancienne ville d’Éphèse, en langue louvite, Tarkasnawa se dit roi de Mira (ce souverain est confirmé par des sceaux, au nom de Tarkondemos, trouvés lors des fouilles de Hattusa) ;
- A Suratkaya, vers le sommet du mont Beşparmak (ancient mont Latmos) sur une cavité rocheuse, quelques signes évoquent le pays de Mira et le Grand Prince Kupaya, probablement Kupanta-Kurunta roi de Mira signataire de l’accord avec Mursili II.
Ce qui donne à ce pays une étendue territoriale assez importante vers l’ouest, toutefois cohérente avec les annales de Mursili II, mais qui semble aussi avoir été éphémère.
Purandas, la principale ville cible de ces campagnes militaires, a dû faire les frais de l’extension des pays de Seha et de Mira : Suratkaya devait être une première limite qui a probablement été repoussée plus au nord jusqu’au col de Karabel.
Bien qu’aucune fouille archéologique ne montre une occupation humaine durant la période hittite, il se peut que la Myra classique soit à l’origine du nom de ce pays :
https://www.persee.fr/doc/anata_1018-1946_2011_num_19_1_1099
Au nord de la ville de Myra, les montagnes du Taurus au relief particulièrement escarpé ne devait pas aider la communication avec les territoires autours. Pourtant, maintenant, on admet que les lieux d’habitat des hommes de l’âge du bronze n’étaient pas toujours des plaines. Au contraire, sans doute pour des raisons défensives, les hommes de l’âge du bronze appréciaient les lieux escarpés et isolés.
Le texte CTH 68 annonce l’annexion d’une partie nouvelle de territoire au pays de Mira, qui a dû voir sa dimension territoriale fluctuer avec le temps. Toutefois, Mira semble avoir toujours fait partie de deux pays plus grands, mais plus éphémères, ceux d’Arzawa et de Lukka. Il faut noter que les tablettes hittites ne mentionnent jamais ensemble le pays de Mira et le pays de Lukka. L’un est bien un sous-ensemble de l’autre, ou son équivalent. Le pays de Lukka s’identifie, au millénaire suivant, avec la Lycie des gréco-romains.
Hérodote dans « L’enquête » a écrit : « Les Lyciens, eux, sont originaires de la Crète qui était autrefois peuplée toute entière de Barbares ». Puis : « Ils portent le nom de leur mère, et non celui de leur père ; quand un Lycien demande à son voisin qui il est, l’autre indique le nom de sa mère et remonte à ses aïeuls du côté maternel ». Cette dernière coutume se retrouve dans des peuples de marins où les hommes effectuent de grands périples risqués. Si l’origine des Lyciens est exacte, leur migration est antérieure au Nouvel Empire Hittite. Ce sont probablement eux qui parlaient le Louvite retrouvé dans les écrits en hiéroglyphes louvites qui se sont multipliés au cours du 15e siècle avant notre ère. Le Louvite était la langue usitée dans les pays d’Arzawa, et donc dans le pays de Mira.
Dans « Sociolinguistic of the Luvian language », Ilya S. Yakubovich indique que, dans les tablettes de Bogazköy, le Louvite est un langage usité dès l’Ancien Empire et le « Louviya » et « Arzawa » y sont interchangeables.
CTH147, « Madduwatta en accusation », décrit un épisode d’installation d’un peuple, chassé par un roi mycénien, ultérieur à celui des Lyciens, qui seraient eux aussi originaires de Crète, mais dont la migration serait espacée de plusieurs centaines d’années. Cette migration explique l’extension du pays de Mira vers le Nord avant même le règne de Mursili II.
C’est l’inscription dite de Yalburt, découverte en 1970, près d’Ilgin au nord-ouest de Konya, qui a permis une bonne reconstitution des noms des principales villes du pays de Lukka. En effet, il s’agit d’annales retraçant la victoire du dernier Tuthaliya sur le pays de Lukka. Wiyanawanda est la première cité mentionnée. Le roi y aurait stationné une centaine de chars. Apparaissent ensuite, au cours du récit, les villes de Luwanda, Pinata, Awarna, Talawa, Patara qui correspondent aux gréco-romaines Laranda, Pinara, Xanthos, Tlos et Patara.
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