La dénomination « Alasiya » apparaît dans textes d’Égypte, d’Ougarit et de Hattusa, entre 1800 avant notre ère et 1200, et sa localisation a fait l’objet d’âpres débats.
Une étude de la composition chimique des tablettes retrouvées à Amarna, écrites par le roi d’Alasiya, montre incontestablement une argile issue du massif du Troodos, vers le centre de l’île de Chypre.
http://www.academia.edu/246371/The_Location_of_Alashiya_New_Evidence_From_Petrographic_Investigation_of_Alashiyan_Tablets_From_El-Amarna_and_Ugarit
Et puis la plus ancienne mention de l’île sous le nom d’Alasiya se trouve dans les textes des marchands assyriens de Kanès, Une ville désignée Aliasa apparaît comme étant proche de Wahsusana, positionnée dans ce blog dans l’île de Chypre (voir ici). En effet, Gojko Barjamovic rapporte, dans « A Historical Geography of Anatolia in the Old Assyrian Colony Period », que Forlanini a observé que la cité d’Aliasa devait être proche de Wahsusana en s’appuyant sur deux courriers échangés entre Ah-Salim et Puzur-Assur, deux marchands assyriens qui évoquent une cargaison de cuivre entreposée à Wahsusana : « Si la route directe n’est pas utilisable, alors envoie la marchandise ici à Aliasa ». Sur cette base Forlanini propose un positionnement d’Aliasa à la Byzantine Aliassos. Ici, il est considéré que la route directe évoquée dans le texte est une traversée maritime, et qu’il faut comprendre le « ici » comme étant la désignation d’un autre lieu de la même île.
Les dernières traductions des tablettes de Kanès montrent 3 autres mentions d’Aliasa, toutes se rapportant au commerce du cuivre.
Même si ce toponyme de Kanès est toujours discuté, Alasiya des textes d’Égypte, d’Ougarit et de Hattusa est majoritairement admise comme étant la désignation d’une partie ou de la totalité de Chypre au 2e millénaire avant notre ère.
Vers les débuts du 2e millénaire avant notre ère, la présence de l’importante agglomération de Wahsusana dans cette île est soutenue par ce blog. Le pays d’Usnatu évoqué dans les tablettes d’Ougarit est possiblement son successeur. Le titre, associé aux rois, de « prêtre de Wanassa » qui a été lu dans plusieurs inscriptions de Paphos lors du 1er millénaire avant notre ère est possiblement le souvenir de ce passé. Après plus d’un millénaire, il en serait resté dans la mémoire des hommes un lieu où une femme a laissé une trace : Wanassa ou Aphrodite (En effet, l’arrivée d’une princesse à Wahsusana apparaît dans une date de Kanès : référence EL 150)
https://form-idea.com/2015/09/03/aphrodite-nee-a-chypre/
Voici maintenant d’autres désignations de l’île au 1er millénaire avant notre ère :
En 1844, une stèle en basalte a été trouvée par l’archéologue allemand Ludwig Ross dans des ruines à l’ouest de l’ancien port de Kition, situé entre la ville moderne de Larnaka et son port actuel. Plus précisément, le site est appelé Bamboula. Sur la stèle, les archéologues ont reconnu une représentation du roi néo-assyrien Sargon II. Il y est écrit : « J’ai érigé cette stèle face au mont Baal-Harri, une montagne au-dessus du pays d’Adnana ».
Aussi, les historiens ont pu rapprocher le toponyme « Adnana » de celui évoqué dans les annales de Sargon II, qui mentionnent un conflit entre Tyr et son vassal de Iadnana. Tyr a fourni la logistique de transport maritime. Un roi de Dilmun, Uperi, a été chargé de mission auprès de 7 rois d’Adnana, un district de Ya qui était situé au milieu de la mer du coucher du soleil, à une distance de 7 jours de navigation.
Traduite par Lipinski et rapportée dans « The Oxford Handbook of the Archeologie of the Levant », une inscription royale d’Asarhaddon d’Assyrie, vers le 7e siècle avant notre ère, liste 10 rois, avec leurs capitales, du pays de Ya Adnana (ou Iadnana) situé au milieu de la mer. Les historiens y ont reconnu des sites de Chypre. Le toponyme « Tunanab » existe par ailleurs, notamment dans des courriers d’Amarna, mais ne semble pas correspondre avec celui de Adnana.
Toutefois, les écrits néo-assyriens évoquent d’abord 7 rois, puis 10. Ce qui laisse un doute sur le nombre exact de royautés dans Chypre. Ce doute se retrouve dans les 10 noms de cités évoquées sur la stèle d’Asarhaddon. Au moins 7 sont connus pour être situés dans l’île : Edial identifiée à Idalion, Kitrusi identifiée à Chytroi ou Kythrea, Pappa identifiée à Paphos, Sillu identifiée à Soloi, Kuri identifiée à Kourion, Tamesu identifiée à Tamassos et Lidir identifiée à Ledrai.
Il se peut, et c’est une hypothèse formulée ici, que trois des villes mentionnées ne soient pas situées dans Chypre, mais faisaient quand même partie du pays de Ya, qui semble être une orthographe du 1er millénaire d’Ahhiyawa.
Ainsi Sillua est la Soloi de Cilicie (Soli Pompeipolis) qui, au sud de l’actuelle Turquie, devait probablement être une île dans l’antiquité et un port en liaison avec Chypre.
Qartihadashti, « la nouvelle cité » en Phénicien, est probablement Carthage. Et Nure est la ville de Nariea dans un texte de Alalakh. Il peut s’agit de l’actuelle Nora en Sardaigne.
Ainsi, ce pays de Ya Adnana semble correspondre au domaine maritime des débuts des phéniciens. Adnana apparaît y être la désignation de Chypre par les assyriens au 1er millénaire avant notre ère.
L’absence de Salamine et de Kition parmi les 7 ou 10 pays est à souligner : cela signifie peut-être que c’étaient des ports gérés par des Etats de Levant, notamment les phéniciens de Tyr. Probablement qu’une partie orientale de l’île ne faisait pas partie de Yadnana en étant appelé « Kittim ».
Dans les textes en linéaire B, l’utilisation préférentielle du nom moderne « Kupri » pour désigner Chypre illustre une montée en puissance de la production de cuivre.
Alasiya est le nom de l’âge du bronze, Kittim, Adnana et Kupri sont ceux de l’âge du fer.
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