Dans « Mémoires de N.A.B.U. 17 », Kawah Shawaly a écrit « Quelques remarques sur les Turukkéens au deuxième millénaire avant J.C. » en rappelant que D. Charpin avait soutenu une thèse sur un sujet similaire. Il y rappelle que les Turukéens étaient considérés comme faisant partie des peuples Hourrites.
La plupart de la documentation provient des archives écrites trouvées sur les Tell Hariri, Shemshara et Rimah. Le recoupement de ces données a permis de comprendre que Susarra faisait partie du pays des Turukkéens.
Incontestablement, le pays des Turukkéens était à l’Est du Tigre. Les archives de Mari montrent de nombreux raids de Turukkéens au-delà du Tigre :
- II 63 : « Sasiya le Turukkéen est allé au pays de Mardaman et a remporté par deux fois la victoire. Il a passé la montagne, a livré bataille une troisième fois à l’intérieur du Sishum et a encore remporté la victoire. »
- XXVI 425 : « Les Turukkéens ont fait une razzia dans le pays d’Ekallatum, de l’autre côté de la rivière et sont allé jusqu’à Kurdissatum ».
- XXVI 510 : « 2000 Turukkéens, 2000 Qabaréens et 1000 Yahurrum ont attaqué un ouvrage sur une rivière d’Isme-Dagan. Isme-Dagan est venu à la rescousse et ils l’ont vaincu. »
- XXVI 519 : « 500 Turukkéens ont fait une razzia en-dessous d’Ekallatum et Assur et ont atteint Razama ».
- XXVI 522 : « 4000 Turukkéens ont traversé, et leur objectif est Ekallatum ».
- XXVI 523 : « Etaient-ils des Hadnéens ? ou étaient-ils des Turukkéens ? Ils ont attaqué Subatum sur les rives du Tigre dans le territoire d’Askur-Addu (roi de Karana) »
- XXVI 340 : « En ce qui concerne les moutons et leurs bergers de Suratan, que les Turukkéens ont enlevés, Askur-Addu est allé avec Suratan chez Sasiya (roi Turukkéen), et Sasiya leur a dit : « Je vais vous rendre ces moutons ». »
- XXVI 517 : « L’armée Turukkéenne a traversé à Ade (probablement Idu sur le Petit Zab), et Sasiya est resté à Ninet. »
- I 5 : « L’ennemi qui campait aux côtés de Lidaya (roi Turukkéen), face à Isme-Dagan, a entendu les rumeurs concernant les renforts rassemblés pour aller aux côtés d’Isme-Dagan. Il a évacué sa ville, s’est levé et est parti. Isme-Dagan a, dès lors, pris sa ville, Burullum. Du coup, l’ensemble du pays d’Uta (Idu) est calme et la population est restée chez elle ».
Toutefois, quelques courriers de Mari montrent aussi qu’ils se sont installés quelques temps dans le triangle du Habur, rendant les analyses des « traversés du Tigre » difficiles :
• A.3131 : « Les Turukkéens se sont réfugiés à Nithum qui est au-dessus d’Amaz, dans le pays de Suna ».
• I 90 : « A Amursakkum, là où s’étaient installés les Turukkéens, Dadanum, avec 2000 Nurruguéens, s’était installé à l’écart sur un côté, dans un retranchement fortifié. »
Dans « Letters to the King of Mari » Wolfgang Heimpel voit Kawalhum et Ninive comme étant des possessions des Turukkéens.
En ce qui concerne Ninive, nous savons que cette ville a été capturée par Isme-Dagan d’Ekallatum, puis reprise par les Turukkéens. II 42 est un épisode qui montre qu’il s’agissait d’une ville frontière : « Le Turukkéen a franchi le Tigre et il est allé au pays de […] Puis il a assiégé la ville d’Asna, alors que la ville d’Asna est à une distance d’environ 2 doubles lieues et ½ de Ninet. »
Pour Kawalhum, les textes XXVI 491 / XXVI 525 la situe clairement comme étant un port des Turukkéens : « Isme-Dagan continue d’écrire à Sasiya (roi Turukkéen) pour faire la paix. Il a mis de côté 8 talents d’argents pour les envoyer à Sasiya. Et il prépare des bateaux pour Kawalhum dans l’intention d’obtenir du grain. Sasiya a son fils et celui-ci a été pris en hottage par Zazzum le Gutéen. : c’est lui qui est chargé de transporter son tribut. Le roi de Simurrum, qui s’est allié avec Zazzum le Gutéen par le passé, est allé vers Sasiya. Sasiya l’a donné à Zazzum le Gutéen. »
Les Gutéens apparaissent ici comme voisins et suzerains des Turukkéens. Ce qui est confirmé par A.649, qui situe ce dernier peuple vers leur sud : « Les Turukkéens étaient venus au pays de Qattara au secours de Hadnu-rabi car le pays de Qattara s’étaient mis à réclamer avec insistance que Hadnu-rabi fût restauré sur son trône. Or le 5e jour, les Turukkéens ont quitté le pays de Qattara car étaient survenues des nouvelles concernant les Guti et Hammurabi de Kurda très inquiet m’a communiqué la nouvelle : « Le temps que je me lève et me mettre en route, une nouvelle est arrivée depuis la région d’aval, comme quoi Zazzum, roi du Gutium, s’approchait avec sa troupe, que des serviteurs d’Isme-Dagan le guidaient, qu’il était arrivé au pays de Qabra et occupait la ville. » […]
D’autre part, les Turukkéens ont envoyé un message : « Les Guti nous menacent. Oui, nous-mêmes, pour sûr, nous sommes désormais en position de faiblesse. Or, face aux Guti, allons-nous abandonner nos demeures ? »»
Nele Ziegler, dans le même ouvrage, développe le thème « Kakmum et le Gutium » en rappelant que le Gutium n’était pas éloigné du pays des Turukkéens. Elle suggère que Kakmum était la capitale du Gutium. Dans ce blog, cette ville, abondamment mentionnée dans les archives du Tell Shemshara et dans celles du tell Hariri, est positionné, sur la base d’un autre argument, dans le pays des Turukkéens.
Les textes ne donnent aucune information sur Erbil, qui, pourtant, semble au cœur de ce pays qui s’est étendu, donc, de Mardaman à Susarra, même si Isme-Dagan les a déplacés de cette dernière région, d’après IV 25 des archives de Mari : « Au sujet du pays de Susarra, objet de ta lettre, Isar-Lim pourra te dire que ce pays est troublé et que nous ne pouvons l’administrer. Lidaya le Turukkéen et les Turukkéens qui sont avec lui, eux qui se sont installés dans ce pays, ont engagé les hostilités et ont anéanti 2 villes. Je suis venu au secours et ils ont pénétré dans la montagne. ¬|…] J’ai déplacé les habitants dans le pays d’Arrapha et dans le pays de Qabra. »
Au 13e siècle avant notre ère, Adad-Nirari 1er mentionne avoir conquis « le pays des Turukku », dont le territoire a sans doute été complètement intégré à l’Empire Assyrien depuis cette époque-là puisque les textes néo-assyriens ne les mentionnent plus. Mais ce peuple avait aussi, d’après les textes, la faculté de se réfugier dans les montagnes.
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