Les annales du roi assyrien Assarhaddon, qui a régné entre 680 et 669 avant J-C, ont fait l’objet de diverses publications. Les informations de ce blog sont issues de « The Royal Inscriptions of Esarhaddon, King of Assyria » de Erle Leichty.
Ce roi a bénéficié d’une aide maritime, probablement en s’appuyant sur la ville de Tyr qui a été récompensée par une extension territoriale.
Voici l’extrait, issu d’un prisme hexagonal trouvé à Ninive, qui donne le plus d’informations sur les toponymes des alentours de Sidon, de Kundi et Sissu :
« Abdi-Milkuti, roi de Sidon, n’a pas respecté mon pouvoir et n’a pas écouté mes paroles. Il se fia à la mer ondoyante et se libéra des devoirs envers le dieu Assur. Il quitta Sidon, sa place forte située au milieu de la mer. Comme un déluge, il détruisit ses murs et ses habitations et les jeta à la mer ; et j’ai même fait disparaître le site où il se trouvait. Abdi-Milkuti, son roi, face à mon armée, s’est enfui au milieu de la mer. […] J’ai rassemblé les rois du Hatti et du Levant, tous, et j’ai alors bâti une autre ville et je l’ai appelé Kar-Assarhaddon.
Les habitants des villes Bit-Supuri, Sikku, Gi’, Inimme, Hildua, Qartimme, Bi’ru, Kilmê, Bitirume, Sagû, Ampa, Bit-Gisismeya, Birgi, Gambulu, Dalaimme et Isihimme (1), des cités des environs de Sidon, des lieux de pâturage et des ports pour sa puissance, que j’ai capturé avec l’aide d’Assur, mon seigneur, j’y installa les gens soumis par mon arc entre les montagnes de l’Est et la mer et je rétablis le territoire assyrien.
Je réorganisai cette province, j’y plaça un officiel comme gouverneur, et j’imposai un tribut en augmentation. Parmi ces villes, je remis les cités de Ma’rubbu et Sarepta à Ba’alu, le roi de Tyr. J’ai augmenté son tribut au-delà de son don annuel antérieur et je lui ai imposé.
De plus, Sandauarri, roi des cités de Kindi et Sissu (2), un ennemi dangereux, qui ne craignait pas ma puissance et a abandonné les dieux, avait confiance dans les montagnes imprenables. Lui et Abdi-Milkuti, roi de Sidon, avaient passé un accord d’aide mutuelle, ils avaient juré l’un et l’autre devant leurs dieux et comptaient sur leurs propres forces. Avec la confiance des dieux Assur, Sin, Samas, Bel et Nabu, les grands dieux, mes seigneurs, je l’ai assiégé, je l’ai attrapé comme un oiseau depuis le milieu des montagnes.
[…]
J’ai pillé la cité d’Arza, qui est située dans le district du ruisseau d’Égypte. J’ai mis son roi, Asuhili, aux fers et je l’ai emmené en Assyrie. Je l’ai assis, lié, près de la porte de la citadelle de Ninive avec des ours, des chiens et des cochons.
De plus, j’ai frappé avec l’épée Teuspa, un Cimmérien, un barbare dont la maison est éloignée, avec son armée entière, dans le territoire du pays de Hubusna.
J’ai marché sur la nuque des habitants de Hilakku, des habitants des montagnes qui vivent dans des lieux inaccessibles au voisinage du pays de Tabal, les misérables Hittites, qui ont confiance dans leurs hautes montagnes et qui, par le passé, n’ont pas été soumis au joug. J’ai entouré, conquis, pillé, démolis, détruit et brulé 21 de leurs cités fortifiées et les villages des environs. En ce qui concerne les autres, ceux qui n’étaient pas coupable de péché ou de crime, je leur ai imposé le joug de mon pouvoir.
J’ai écrasé le méchant Barnaki, qui vit dans le pays de Til-Asurri, qui est appelé Pitanu dans le langage des gens du pays de Mihranu. »
L’ordre des actions guerrières évoquées est ici celui des tablettes, sans changement. Assarhaddon se vante d’avoir capturé les deux souverains rebellés, de Sidon d’une part et de Kundi et Sissu d’autre part, lors de la même année, alors qu’il précise que Kundi et Sissu sont situés dans les hautes montagnes. Probablement qu’il a mis en œuvre deux armées différentes pour atteindre cet objectif. La rédaction met surtout ce point en avant, et semble ne pas se préoccuper d’un quelconque parcours géographique.
Toutefois, l’évocation d’Arza, – qui, très probablement, est la ville d’Arzuz sur la côte Turque – puis de la Cilicie, montre qu’après la réorganisation de Sidon, les opérations militaires se sont effectuées le long de la côte méditerranéenne, vers le nord.
Après après la Cilicie, l’armée d’Assarhaddon a poursuivi dans la même direction, vers le Tabal, pour combattre les Cimmériens.
C’est vers la fin de ce même texte, qu’Assarhaddon évoque les rois qui ont fourni des matériaux pour des reconstructions à Ninive : « J’ai convoqué les rois du Hatti et ceux qui sont de l’autre côté de la rivière: « Baalu, le roi de Tyr, Manasseh, le roi d’Iaudi, Qaus-gabri, le roi d’Udume, Musuri, roi de Ma’aab, Sil-Bel, roi de Gaza, Mitinti, roi d’Ashkelon, Ikausu, roi d’Ekron, Milki-asapa, le roi de Byblos, Mattan-Ba’al, le roi de Arvad, Abi-Ba’al, le roi de Samsimurruna, Budi-il, le roi de Bit-Ammana, Ahi-Milki, le roi d’Ashdod – douze rois des bords de mer – Ekistura, le roi d’Idalion, Pilagura, le roi de Kitrusi, Kisu, le roi de Silua, Ituandar, le roi de Paphos, Eresu, le roi de Soloi, Damasu, le roi de Curium, Admesu, le roi de Tamassos, Damysos, le roi de Qarti-hadasti, Unasagusu, le roi de Lidir, Basusu, le roi de Nuria – dix rois d’Iadnana du milieu de la mer ; en tout 32 rois du Hatti, du bord de mer et du milieu de la mer. »
Dans une autre découverte de Ninive pour ce même roi néo-assyrien apparaît ce qui semble être un résumé : « J’ai écrit à tous les rois qui sont au milieu de la mer et de Iadnana Iaman (probablement Amanum) jusqu’à Tarse ».
Quelques localisations proposées directement dans la traduction ont été ici reprises au plus près du texte d’origine, car, dans ce blog, sont discutés quelques ports du Hatti, du bord de mer et du milieu de la mer.
Autres remarques :
(1) : Cette liste de villes a été étudiée récemment par :
- Edward Lipinski en 2004 dans « Itineraria Phoenicia » ;
- Hassan Salamé-Sarkis en 2005 dans « Le royaume de Sidon au VIIe siècle av. J.-C. » : https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_2005_num_82_1_8686
Dans ce blog, si une partie de leurs rapprochements communs sont acceptés, il est mis en avant, avec une bonne vraisemblance, deux ensembles de cités :
- Des ports proches de la célèbre ville : Gi’, Inimmé qui est probablement Naameh, Hildua ;
- Un deuxième ensemble disjoint du premier, plus au nord, face à Chypre (Ampa, Sagu, Bitirume) ; Byblos et Beyrouth les séparent : Ce qui est plausible compte-tenu de la vocation essentiellement maritime de Sidon.
(2) : Pour positionner Kundi et Sissu, l’analyse est rendue difficile du fait de la présence de trois anciens noms de ville qui sont proches phonétiquement de « Sissu » :
- Hazazu, mentionné dans les annales d’Assurnasirpal II qui est probablement la ville moderne d’Azaz, en Syrie ;
- La classique Issos, lieu de bataille d’Alexandre le grand, qui est matérialisé par un tell, celui de Kinet Hoyuk et qui se trouve très proche d’Arzuz ;
- La forteresse de Sis, à Kozan, en Cilicie.
La description géographique et l’orthographe vraiment très proche sont en faveur de la dernière hypothèse, surtout que, pour Kundi, la classique Kyinda, une localisation très probable vient d’être suggérée (cliquez sur les lieux pour voir les propositions de ce blog). Cela donne du sens au texte.
On sait que non loin, à Karatepe, Azatiwataya était un roi local de cette partie de la Cilicie, appelée alors Qué, avant l’intervention de Salmanazar III, en 839, qui a mis fin à ce royaume. Karatepe montre des liens fort avec les phéniciens.
Comme dans beaucoup d’autres régions, l’intervention de Salmanazar III a dû être ponctuelle, et un pouvoir local s’est probablement reconstitué vers les forteresses de Sis et Kundi.
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