8e campagne de Sargon II

En 1912, Thureau-Dangin publia le contenu d’une tablette d’argile de dimensions inaccoutumées. Il s’agissait de la 8e campagne de Sargon II, décrite de façon très détaillée.
Par ailleurs, Grant Frame, dans « The Royal Inscriptions of Sargon II, King of Assyria (721-705 BC) » a publié les textes des annales de ce même roi, année par année, trouvées sur les murs de son palais de Khorsabad. Il s’y trouve un bon résumé de cette 8e campagne dans les pays des Mèdes et des Mannéens. Aussi, il a été ici choisi de reprendre ces indications générales en gras en début de chaque paragraphe. Les toponymes eux-mêmes sont plutôt ceux orthographiés par Grant. Le texte a été simplifié pour ne garder que les indications géographiques.

Départ et défaite de Mitatti du pays de Zikirtu
Je suis parti de Kalah, ma résidence et je franchis successivement :

  • le Zab supérieur, au fort de sa crue,
  • le Zab inférieur.

Je pénétrai dans les défilés des monts Kullar, hautes montagnes du pays des Lullumû qu’on appelle aussi pays de Zamua.
Dans la province de Sumbi je passai en revue mon armée : des chevaux et des chars je vis le nombre.
Je dirigeai mes chars vers les pays de Zikirtu et d’Andia.
Je passai entre le Nikippa et l’Upâ, monts élevés qui sont couverts de toute espèce d’arbres, dont les défilés sont redoutables. Je traversai jusqu’à 26 fois le Buya, le cours d’eau qui les sépare.
Mes éclaireurs ont amélioré les chemins du Simirria, grand pic qui élève sa cime au-dessus des autres montagnes, dont la tête soutient le ciel. Au sommet de ce mont je retranchai mon camp.
Malaisément je franchis sept monts : le Sinahulzi et le Biruatti, puissants monts dont l’herbe se compose de bons arômes, le Turtani, le Sinabir, l’Ahsuru et le Suya.
Je passai, comme sur des fossés, le Rappâ et l’Arattâ, des rivières de leurs versants, en leurs hautes eaux.
Je descendis vers le pays de Surikas, province du pays des Mannéens qui est limitrophe des pays de Karallu et d’Allabria.
Ullusunu, le Mannéen, vint au-devant de moi d’Izirtu, sa résidence royale, jusqu’à Sinihini la forteresse-frontière de son pays.
Son tribut, des chevaux de trait avec leur attirail, des bœufs et du petit bétail, il m’amena et baisa mes pieds.
J’arrivai à Latasê, forteresse qui est sur la rivière du pays de Lâruete, province d’Allabria. De Bel-aplu-iddina, l’Allabrien, je reçus le tribut, des chevaux, des bœufs et du petit bétail.
Je descendis vers Parsuas. La stupeur se déversa sur les chefs de Namri, Sangibutu, Bit-Abdadani et du pays des puissants Mèdes, ayant appris la venue de mon expédition. Leurs pesants tributs ils m’apportèrent du milieu de leurs pays et me le remirent en pays de Parsuas.
De Talta du pays d’Ellipi, Uaksatar, Durisi, Sataresu, les chefs de la région du fleuve, Anzi de la cité de Halhubarra, Payukku de la cité de Kilambati, Uzi de la cité de Mali, Uakirtu de la cité de Nappi, Makirtu de la cité de Bît-Sagbat, Kitakki de la cité d’Uriangi, Masdayukku de la cité de Kingaraku, Uzitar de la cité de Qantau, Payukku de la cité de Bît-Kapsi, Humbê de la cité de Bit-Zualzas, Uzumanda de la cité de Kisilaha, Burburazu de la cité de Bît-Istar, Bagaparna de la cité de Zakruti, Dari du pays de Saparda, Usra de la cité de Kanzabakanu, Sarruti de la cité de Karzinu, Masdakku de la cité d’Andirpattianu, Akkussu de la cité d’Usigur, Birtatu de la cité de Sibur, Zardukka de la cité de Harzianu, Masdakku de la cité d’Aratista, Satarpanu de la cité de Barikanu et Karakku de la cité d’Uriakku je reçu des chevaux rapides, des mulets ardents, des chameaux originaires de leur pays, des bœufs et du petit bétail.
Je partis de Parsuas pour arriver en Missi, province du pays des Mannéens.
Ullusunu en accord avec la population de son pays attendait mon expédition dans Sirdakka sa forteresse. Comme l’auraient fait mes fonctionnaires, il avait fait des provisions de farine et de vin pour la nourriture de mon armée. Il avait l’intention de fermer aux Kakméens, de méchants ennemis, l’accès de son pays, de mettre Ursa (Rusa roi d’Urartu) en déroute sur le champ de bataille. J’eus pitié d’eux : je reçus leur prière. J’écoutai leurs paroles suppliantes.
Je leur proposais de renverser le pays d’Urartu, de rétablir leurs frontières, de rendre la paix à la malheureuse population du pays des Mannéens.
Devant Ullusunu, le roi, leur maître, je fis dresser une table magnifique : plus que pour Iranzu le père qui l’a engendré, j’élevai son siège.
Depuis des montagnes situées en un lieu lointain, le long du pays des Mannéens et du pays des Mèdes, Zizi d’Appatar et Zalaya de Kitpat, chefs de Gizilbunda – les habitants de ces villes se confiaient en leur propre force et ne connaissaient pas de maître, dont, parmi les rois mes prédécesseurs, aucun n’avait vu le séjour, n’avait ouï le nom, ni n’avait reçu le tribut – il m’amenèrent leur tribut dans Zirdiakka, ville du pays des Mannéens. Je les rangeai sous la main de mon fonctionnaire, le gouverneur de Parsuas.
De Zirdiakka, la forteresse du pays des Mannéens, je partis. Je marchai trente lieues entre le pays des Mannéens, le pays de Bit-Kapsi et le pays des puissants Mèdes.
J’arrivai à Panzis, dont la grande forteresse est située entre les pays de Zikirtu et d’Andia, Je partis de Panzis et je franchis la rivière Istaraura pour arriver à Aukané de la province de Zikirtu.
Metatti, le Zikirtéen, qui avait secoué le joug d’Assur, qui avait pris du dédain à l’égard d’Ullusunu le roi son seigneur, qui méprisait son service, qui avait mis sa confiance dans Ursâ l’Urartéen qui, comme lui, ne connaissait pas de règle, allié incapable de le sauver, sur Uasdirikka, une haute montagne, craintivement monta. Il vit de loin la marche de mon expédition : sa chair en fut paralysée.
Il abandonna les biens de son palais de la ville de Parda, sa résidence. Il se porta au secours d’Ursa son allié. Ses vaillants guerriers furent postés en observation dans les défilés du mont Uasdirikka. Je les tuai. Je pris leurs douze villes fortes, Ista’ippa, Saktatus, Nanzu, Aukané, Kabani, Gurrusupa, Raksi, Gimdakrikka, Barunakka, Ubabara, Sitera, Tastami et Tesammia, avec 84 villages des alentours.

Défaite de l’armée d’Ursa d’Urartu et sa poursuite du Mont Uaus jusqu’au mont Zimur
Je partis d’Aukané j’arrivai en Uisdis, province du pays des Mannéens, dont Ursa s’était emparé. Avant mon arrivée, Ursa l’Urartéen avait levé sa nombreuse armée avec ses auxiliaires.
Mitatti, le Zikirtéen, avec les rois ses voisins, je défis leur troupe, je taillai en pièces leur armée. Je mis en déroute les troupes d’Urartu le méchant ennemi et de ses alliés : au milieu du mont Uaus il fit volte-face.
L’espace de 6 lieues depuis l’Uaus jusqu’au Zimur la montagne du jaspe, à la pointe du javelot, je le poursuivis.
Ursa, leur prince, craignit le bruit de mes puissantes armes : pareil à un oiseau de nuit qui s’enfuit devant un aigle, son cœur palpita d’effroi. Comme un homme qui aurait versé le sang, il quitta Turuspa sa résidence royale : comme l’animal qui fuit le chasseur, il gagna les flancs de ses montagnes. Comme une femme en travail il se jeta sur un lit : nourriture et boisson il refusa à sa bouche ; une maladie incurable il s’infligea à lui-même.
La victoire d’Assur, mon seigneur, pour l’éternité sur Urartu j’établis : sa crainte, inoubliablement, je laissai pour l’avenir.
La force de mon immense puissance et la levée de mes grandes armes, qui, dans les quatre régions, sont sans rivales, qu’on ne fait pas tourner en arrière, au milieu d’un violent combat, à Urartu j’ai fait amèrement sentir. Les gens de Zikirtu et d’Andia j’ai couverts de la bave de mort.
Je fermai ainsi l’accès au pays des Mannéens de ces méchants ennemis : je contentai le cœur d’Ulusunu leur maître.
Vers Andia et Zikirtu, lieux situés devant moi, j’interrompis mon expédition : je tournai ma face vers Urartu. Uisdis, province du pays des Mannéens, dont Ursâ s’était emparé, ses multiples villes qui, comme les étoiles du ciel n’ont pas de nombre, je les conquis en totalité.

Villes localisées de la 8e campagne de Sargon II

Villes localisées de la 8e campagne de Sargon II

Conquête d’Usqaya, ancienne contrée des Mannéens
D’Uisdis je partis, j’arrivai à Usqaya, la grande forteresse, tête de frontière d’Urartu, qui à l’entrée de la province de Zaranda comme une porte était verrouillée et retenait mes messagers, qui en outre sur le Mallau, mont des cyprès, brillait comme un terme et au-dessus du territoire de Subi était revêtue d’éclat.
Les habitants de cette province, dans tout le pays d’Urartu, comme aptes (à dresser) les chevaux de selle n’ont pas leurs pareils. Les jeunes poulains de sang, originaires de son vaste pays, que les habitants d’Urartu élèvent pour leur armée royale, ils les prennent tous les ans. Tant que ces chevaux n’ont pas été emmenés dans la province de Subi, que les habitants d’Urartu appellent pays des Mannéens, tant que leurs troupes ne s’y sont pas montrées, ils ne les enfourchent pas.
Ces gens, ceux de la forteresse et ceux de la province, virent la défaite d’Ursa leur maître : comme la racine qui est au bord du fleuve, leurs jambes devinrent sans force. La ville d’Usqaia, soutien de son pays, avec les villages d’alentour, ils convertirent en ruines et, abandonnant leurs biens, prirent un chemin sans retour.
Dans la levée de mes armes puissantes, je montai vers cette forteresse : ses vastes biens je pillai, puis les fis entrer à l’intérieur de mon camp.
La ville d’Aniastania, demeure de ses troupeaux, qui est bâtie à la frontière du pays de Sangibutu entre les villes d’Usqaya et de Tarmakisa, avec 17 villages environnants je renversai et je nivelai au sol. Les poutres de haute venue de leurs toitures par le feu je consumai.

Conquête du pays de Bari ou Sangibutu
D’Usqaia je partis, au pays de Bari, ressource de son bétail, qu’on appelle aussi Sangibutu, j’arrivai.
Tarui et Tarmakisa, fortes villes murées, qui dans la région des Daléens, séjour de son grain abondant, sont bâties, dont les murs intérieurs étaient puissants, les murs extérieurs étaient solidement construits, le pourtour était ceint de fossés profonds.
30 villages environnants comme des bûchers j’allumai : de leur fumée comme d’un ouragan je couvris la face du ciel.
De Tarmakisa je partis – j’arrivai à Ulhu, ville forte qui au pied du mont Kispal.
Ursâ, le roi qui règne sur eux, suivant l’inclination de son cœur, leur montra le jaillissement des eaux. Un canal amenant des eaux courantes, il creusa : un cours d’eau apportant l’abondance, comme l’Euphrate, il fit couler. Du sein de ce canal il fit sortir des rigoles sans nombre il irrigua les champs, son territoire désolé qui de tout temps fruits et raisins comme la pluie il fit pleuvoir.
Je frappai : au pays d’Assur j’emmenai leurs magasins où le grain était amoncelé j’ouvris : une immense quantité de grain je fis manger à mes troupes.
Je mis le feu à leur grande forteresse avec 57 villages environnants de la province de Sangibutu.
D’Ulhu je partis, j’arrivai vers les villes fortes de la province de Sangibutu.
Comme des ceps poussés dans la montagne, sur les pics des monts Arzabia, brillaient les villes de Hurnuku, Hardania, Gizuarzu, Saszissa, Hundurna-d’en-haut, […], Uatzunza, Arazu, Sa-Sinia, Hundurna-d’en-bas, El nak, Sittuarzu, Zirma, Surzî, Eliyadinia, Dag, [..], Surzialdiu, Armuna, Kinastania, 21 villes fortes. A l’entrée de leurs grandes portes étaient construites des tours.
Les gens de la province de Sangibutu, ceux habitant la province et ceux habitant l’ensemble de ces villes, virent l’ouragan de mon expédition qui à une lieue à la ronde se faisait entendre, sur tout le pays d’Urartu causait le trouble.
Pour y faciliter leur observation de la province, sur les pics des montagnes des tours étaient construites et se dressaient.
Entre l’Arzabia et l’Irtia, montagnes élevées, douze lieues de chemin je fis, puis je retranchai mon camp.
Je mis le feu aux hauts donjons et aux maisons des gens du pays des Mannéens et du pays de Nari. Je coupai les importantes forêts. J’allumai comme des bûchers 146 villages environnants.

Conquête des pays d’Armarili
Je partis des villes fortes de Sangibutu pour aller à la province d’Armarili.
Je renversai Bubuzi, la forteresse, Hundur, qui de deux murs était enceinte, où l’entrée de chaque tour un était solidement construit, Ayalê, Sinispalâ, Siniunak, Arna et Sarni, 7 villes fortes, avec 30 villages environnants, situés au pied des monts Ubianda.
En passant, j’allai à Arbu, la ville de la maison paternelle d’Ursâ et à Riyar, la ville de Sarduri. 7 villes environnantes où demeuraient ses frères, ceux de son sang royal, et qui étaient fortement défendues. Ces villes je les renversai.

Conquête des pays d’Ayadi
Je partis d’Armariali. Je franchis Uizuku, une montagne de cyprès, et j’arrivai en Ayadi.
Brillaient Anzalia, Kuayin, Qallania, Bitaya, Aluarza, Qiuna, Allî, Arzugu, Sikkanu, Ardiunak, Dayazuna, Gêta, Bâniu, Birhiluza, Dézizu, Dilizia, Abaindi, Duain, Hasrana, Parra, Ayasun, Aniastania, Balduarza, Saruardî, Sumattar, Salzî, Albûri, Siqarra et Uaiais-le-vieux, ses 30 villes fortes qui au bord de la mer ondoyante, au versant des grandes montagnes. Etaient solidement construites au milieu d’elles, Argistiuna et Qallania, ses puissantes forteresses qui rayonnaient au-dessus des Monts Arsidu et Mahunnia. Quand Ils virent la conquête d’Armarialî, leur province voisine : les jambes de leurs guerriers tremblèrent.
Leurs fortes murailles, avec 87 villages environnants, je les renversai.
D’Ayadi je partis. Je passai les rivières Alluria, Qallania et Innaya.
J’arrivai en Uaiais, sa province sécurisée, à la frontière d’Urartu, limitrophe du pays de Nairi.
Uaiais, sa ville forte, sa grande forteresse, qui plus que toutes ses autres forteresses est puissante, dont l’œuvre est pleine d’art, ses vaillants hommes d’armes, les espions apportant des nouvelles des pays environnants demeuraient à l’intérieur.
Par le feu je consumai Barzuriani, Ualtuquya, Qutta, Qippa et Asapâ, 5 fortes villes murées avec 40 villages environnants.

Réception du tribut d’Ianzu du pays de Nairi et retour à Assur par Musasir
D’Uaiais je partis, au pays de lanzu roi de Nairi j’arrivai. lanzu, roi de Nairi, vint au-devant de moi à une distance de quatre lieues de Hubushkia, sa résidence royale : il me baisa les pieds.
Pendant mon retour, Urzana, de la ville de Musasir, le malfaiteur et criminel, s’est révolté contre moi : il interrompit ma marche. A la totalité de mes chars, de mes nombreux cavaliers et à l’ensemble de mon camp, je fis prendre le chemin du pays d’Assur.
Alors que Magur, le seigneur de la tiare, avait présagé la veille la défaite des Guti, les astres s’étaient maintenant éclipsés (signes négatifs).
Je pris la route de Musasir, un chemin difficile. Je fis monter mes troupes sur l’Arsiu, puissant mont dont la pente est comme celle d’une aiguille.
Je franchis le Zab supérieur, que les gens de Nairi et Kilhu appellent Elamunia. Je m’engageai entre le Seyak, l’Ardiksi, l’Ulayu et l’Alluriu, monts élevés, crêtes altières, aiguilles de montagnes difficiles.
A Musasir, la demeure de Haldia, en maître j’entrai : Je m’installai dans le palais, résidence d’Urzana.
J’acheminai les nombreux biens ramenés.
Les gens de la province de Musasir avec les gens du pays d’Assur je les comptai : je leur imposai taille et corvée.
Par les défilés de l’Andarutta, le mont difficile, en face de la ville de Hipparna, je débouchai : je rentrai sain et sauf dans mon pays.

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