Le Sikkatum

Les faits

Scène gravée à Yazilikaya près de Hattusa

Scène gravée à Yazilikaya près de Hattusa

Emin Bilgic, dans « Kültepe Tabletleri I », a rapporté cette traduction de tablette retrouvée dans Kanès il y a environ 4000 ans : « Pour Puzur-Assur ! Ili-wedaku dit : Quant au fait qu’on ne vous a pas envoyé l’argent jusqu’à présent : je n’ai pas pu vous envoyer l’argent parce que les serviteurs ont dit qu’ils quitteraient définitivement Purushattum. […] »
Dans « Kültepe Tabletleri IX-a », traduit par Irfan Albayrak et Hakan Erol, se trouve le texte « Kt. C/k 1073 » : « Assur-malik dit ! Pour Assur-emuqi ! Vos serviteurs sont venus ici, ils vont bien. Ils finissent le Sikkatum. J’apprendrai la destination du Sikkatum, sa dernière étape, et je les expédierai selon vos instructions. Si j’en vends en cash, eh bien, je vous enverrai immédiatement le produit. »
Or Assur-emuqi est le fils de Buzutaya, nous savons qu’il possédait un comptoir à Purushattum. Et donc les deux textes font probablement référence à un même événement d’ampleur qui a perturbé le commerce international de l’époque.

Les perturbations engendrées par le Sikkatum
Deux textes traduits par Mogens Trolle Larsen dans « The Assur-nada Archive » rapportent les difficultés dues au Sikkatum :
« CCCT 4,10a » : « […] Le Sikkatum s’est déclenché et le marché est perturbé, nous ne sommes donc pas en mesure de tenir notre promesse faite lors de la commande des marchandises. L’argent est difficile à obtenir. Ne vous attendez pas à beaucoup d’argent. Les prix étant bas, j’ai envoyé de l’Ili-alun à Wahsusana. De l’argent présent, j’ai reçu 4 mines d’argent de Su-Anum, et il a à son tour reçu une tablette certifiée avec mon sceau, qui dit que nous avons été payés en totalité pour la mine d’or qui a été enregistrée dans la société d’Assur-emuqi, et que nous ne reviendrons plus sur cette question ».
« C 18 » : « Pendant le Sikkatum, il ne nous est pas possible de tenir nos promesses concernant vos réclamations en suspens. »
Par ailleurs beaucoup de textes rapportent l’empressement qu’avaient les financiers d’Assur pour ramener de l’argent dans leur ville. Le blocage du commerce à Purushattum, place d’arrivée de ce métal, a dû constituer un drame pour Assur.

Villes paléo-assyriennes localisées dans ce blog

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Le résultat du Sikkatum
Murat Cayir a traduit Kt.v/k 57 dans « Kültepe’de 1970 » : « Nūr-Ištar dit à Ennum-Aššur : Dans le pays c’est compliqué et l’argent est cher,  […] Je dis : « Scelle l’argent, et pars pour le Sikkatum, je vais me préparer, j’irai là-bas et je te parlerai de tout. Aujourd’hui, dans le Sikkatum, nous avons quitté Saladuwar. Tu es mon frère, tu es mon seigneur, au retour du Sikkatum je ne manquerai pas de rencontrer les hommes (1), fais attention à eux, et fais sceller l’argent par eux. Ne t’inquiète pas pendant un mois. » »
Dans « Correspondance des marchands de Kanish », Cécile Michel a traduit « Kay 1830 » qui donne une idée du commanditaire du Sikkatum : « Dis aux messagers de la Ville et au karum de Kanis ; ainsi parle le comptoir de Kussara : « Ici, nous avons entendu que deux Assyriens ont été tués dans le pays de Luhuzatia. Nous sommes montés au palais, et nous avons dit ceci : « Deux Assyriens ont été tués dans ton pays ! » Il a envoyé des autochtones. Mais du côté de Luhuzatia, vers les montagnes élevées, là où ils auraient été tués, nous n’avons rien appris sur les hommes qui ont été tués. Les hommes ont été tués au cours de la nuit. Le lendemain, leur expédition Sikkatum […] ».
La fin du texte n’est pas connue. Mais nous comprenons que le résultat de ce Sikkatum s’est traduit par une extension territoriale importante vers l’orient du pays de Kussara / Purushattum.

Epilogue
« Kt 91/k 423 » traduit par Klass R. Veenhof dans « Kültepe Tabletleri VIII » fait référence, sans doute des années plus tard, à cet événement : « Ainsi Lamassutum, Puzur-Assur et Ennam-Assur disent à Ataya, Ir’am-Assur, Ummi-Ishara et Simat-Istar : « Malheureusement, votre mère et vos deux frères sont morts. Lorsque votre mère était sur son lit de mort, nous avons saisi trois commerçants affiliés et les avons amenés à l’intérieur, chez votre mère et en présence de ces commerçants affiliés, votre mère, alors qu’elle était encore en vie, a ouvert ses coffres et ils virent chaque shekel d’argent, son argent comptant qu’il y avait, et elle vous donna deux shekels et quart d’or et huit shekels d’argent. Elle a donné 37 shekels d’argent à votre frère Iliya, et 20 shekels d’argent à Ilabrat-bani. Alors que ta mère était encore en vie, avant que nous partions pour le Sikkatum, Iliya a été jeté en prison. Après avoir dépensé tout ce qu’il avait à sa disposition et comme Iliya était marié avec la fille de l’autochtone (2), qui avait épousé ta mère, cet autochtone (2) a payé les frais de la prison et après que l’autochtone (2) eut récupéré ses dépenses, vingt-sept shekels d’argent ont été dépensés pour le deuil de ta mère et de tes frères. Ici, le représentant du fils de Hinnaya, le créancier de vos frères, a pris des mesures pour saisir l’argent mais Ennam-Assur et Sumi-abiya, vos représentants nous ont prévenus et nous avons dit : « Il ne s’emparera pas de l’argent ! Qui est-il [...] ? ».

Remarques
(1) Par « les hommes » il faut probablement comprendre « Maîtres de villes » ou « Marchands Assyriens »
(2) L’auteur de l’ouvrage a traduit « l’autochtone » par « l’Anatolien ». Littéralement le mot du texte de la tablette est « le natif ». Ici, il s’agit de Lulu fils de Hapi, mentionné par son vrai nom dans d’autres textes du même ouvrage. La généalogie fournie par l’auteur rappel qu’Istar-Lamassi, qui est ici la maman décédée – et qui, également, n’est pas désignée par son nom dans ce texte – après un premier mariage avec Kun-ilum, dont elle a eu 3 enfants (Iliya, Ilabrat-bani et Simat-Istar) s’est remariée avec Lulu, l’autochtone, avec lequel elle a vraisemblablement eu d’autres enfants, probablement ceux qui sont décédés. Nous savons par quelques textes que certaines tablettes de villes périphériques – notamment de Wahsusana – ont été rapatriées à Kanès. Rien ne prouve que la fin de vie d’Istar-Lamasi a eu lieu à Kanès et que l’autochtone était Anatolien.

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