Dans les tablettes trouvées à Kultépé, en Anatolie, Hahhum est une désignation de cité souvent mentionnée dans les courriers des marchands assyriens du début du deuxième millénaire. C’était une importante plaque tournante, où des métaux en transit étaient reconditionnés. De nombreux textes y évoquent l’arrivée de caravanes de tissus et d’étain, depuis Assur, qui étaient échangés contre de l’argent.
Voici, plus en détail, les textes qui justifient ce préambule.
Dans « Kültepe Tabletleri VI » Morgens Trolle Larsen a édité, en 5 tomes, les courriers de la famille de Salim-Assur. En voici deux exemples :
- Ali-ahum, un fils de Salim-Assur a fait appel à un transporteur, Puzur-Assur, pour un import de biens venant d’Assur décrit par trois missives (Kt94/k1691, Kt94/k838, Kt 94/k 1352). Les produits acheminés sont 48 pièces de textiles, 2 talents et 10 mines d’étain et trois ânes noirs. Le transporteur écrit à Ali-Ahum : « Je reste à Hahhum. J’ai laissé les marchandises avec le reste des ânes, mais ils ont retenu la caravane. Décide de ce que tu fais de la marchandise. Envoi-moi un écrit sans délai ». Cet arrêt à Hahhum apparaît dans d’autres courriers de ce même transporteur qui demande : « Donne-moi des nouvelles de la Sukinnu-route, est-ce que le passage est sûr ? ».
- Dans Kt 94/k 1164 alors que Salim-Assur est en prise avec des financiers, voici ce qu’il écrit : « Pourquoi Ali’ahum a-t-il laissé mes marchandises de contrebande à Hahhum ? Qu’il fasse entrer les marchandises de contrebande sur la sukinnu-route et qu’il transforme les textiles en argent. »
Ces textes indiquent clairement que, lors des exports de tissus et d’étain depuis Assur, Hahhum est le lieu où les marchands s’interrogent sur le meilleur parcours commercial à suivre.
Hakan Erol, dans « Kültepe Tabletleri XI-a et XI-b », a publié les archives de Su-Istar. Ce commerçant a exercé entre 1892 et 1837 avant J-C. Dans Kt 92/k 687 se trouve une description du début de la sukinnu-route : « Ennanum, moi et Baziya allons emprunter la sukinnu-route depuis Harran. Puisque vous n’avez pas précisé dans vos lettres précédentes de transmettre des charges lourdes, ici, je n’ai fait passer aucune charge lourde. J’ai entendu votre lettre apportée par Belanum depuis Timelkiya et j’ai envoyé Belanum à l’endroit où se trouvait la marchandise. Je lui ai dit : « S’il y a une expédition, charger les marchandises commerciales pour Hahhum ! De là, envoyez l’argent avant qu’elle n’arrive ». »
Harran, Zalpah et Hahhum semblent des points de départ d’expéditions par la Sukinnu-route, qui, selon ce blog, sont des transports maritimes autour de la péninsule anatolienne. A Hahhum il y a une activité de reconditionnement, c’est pour cette raison que les charges lourdes sont évoquées dans ce texte. Mais était-ce un port ? « Kültepe Tabletleri VI-a » de Mogens Trolle Larsen, montre qu’une autre ville est aussi un point de départ de la Sukinnu-route. Kt94/k1686 concerne un convoi, entre-autres, de 603 étoffes de textile et 20 talents d’étain. Salim-Assur dit : « 181 étoffes de tissu sont destinées à la contrebande et doivent être déposées à Timelkiya. Le reste des textiles et mon étain doivent être amenés à Kanès ».
En fait, Timelkiya est plus exactement un point de départ de la contrebande, qui semble être une variante de la Sukinnu-route où le commerçant échappe à certaines taxes, mais pas à celle appelée « Datum » qui était perçue pour les marchandises destinées notamment à Timelkiya et à Washaniya (Voir l’ouvrage « The Old Assyrian city-state and its colonies » de Mogens Trolle Larsen).
Kt 92/k 510 nous apprend que Baziya et Laqepum – un petit-fils de Su-Istar - sont des administrateurs à Hahhum et la tablette nous montre qu’il faut bien y payer la taxe datum – sur la base d’un document qui précise la destination – et des frais de transport : « Puisque vous n’aviez pas votre document, ni celui de Sarrum-Suen ou celui de l’adjoint de Luzina, l’envoi du commerçant n’a pas été libéré pour Dadaya. […] La taxe datum et l’indemnisation des frais de voyage de 15 mines d’étain sont à payer. Envoyez de l’argent ici. […] Les finances du marchand, sous l’administration de Baziya et La-qepum, sont situées à Hahhum. […] Ils ont dit : « Nous ne relâcherons les marchandises que lorsque nous aurons des nouvelles de Baziya et de La-qepum ».
Dadaya – nom rare dans les archives de Kanès – apparaît résident de Timelkiya :
- Kt 92/k 304 : « 2 colis, 50 pièces de tissus que j’ai livrés à Dadaya à Timilkiya »
- Kt 92/k 520 : « Rendez-vous à Timelkiya avec Dadaya »
- Kt 92/k 813 : « de Dadaya : […] Puzur-Istar n’a pas encore atteint Timelkiya. […] »
Tout en étant actif à Hahhum :
- Kt 92/k 377 : « J’ai donné 1/4 d’or pasallum à Dadaya à Hahhum » ;
- TC 3, 75 (Edité par Cécile Michel dans « Correspondance des marchands de Kanish ») : « Dis à Innaya, Ainsi parle Dadaya : Etant donné que je suis retenu ici, je reste dans Naduhtum. Nous sommes montés vers le prince et son délégué jusqu’à dix fois, et j’ai dit ceci : « Tu es mon maître, permets-moi de partir ». Mais il répond toujours ceci : « C’est impossible car les messagers du karum de Kanès t’ont désigné comme garant auprès du palais » […] Le prince a alors dit ceci : « Vous trois, Assur-nimri, Assur-mutappil et toi-même, je ne vous relâcherai pas jusqu’à ce qu’un rapport me parvienne de Kanès ». Par ailleurs, Assur-nimri et Assur-mutappil – des noms rares – sont des descendants de Su-Istar et apparaissent dans les ouvrages de Hakan Erol.
Nadathum, toponyme rare des archives de Kanès, proche de Hahhum et Zalpah, est probablement la néo-assyrienne Hadatu. Elle apparaît ici, déjà, comme étant la capitale politique de la région.
Kt 91/k416 (de « Kültepe Tabletleri VIII » de Klaas R. Veenhof), donne une précision sur le chemin entre Hahhum et Timelkiya : « Pour mes 2 talents d’étain, 4 textiles de qualité fine, 3 textiles de qualité standard, et un âne noir, que Pilah-Istar amène depuis Hahhum ; Si un taux de 8/1 est possible vends l’étain contre de l’argent et envoi-moi ton reporting ; Si le taux de 8/1 contre de l’argent n’est pas atteint, ne le vends pas contre de l’argent. On ne doit pas transporter l’étain via Salahsuwa. Pour la sécurité de l’étain, vous devez envoyer l’étain via Timelkiya pour Durhumit. Si des gens de Kuburnat sont là, qu’ils reconditionnent l’étain […] »
Cela montre que si, depuis Hahhum, Salahsuwa est une destination acceptable pour des tissus, pour l’étain, depuis Hahhum, le transport se faisait jusqu’à Timelkiya par un autre itinéraire, sans doute davantage vers le sud et que, probablement, les travaux de reconditionnement consistaient à rendre l’étain transportable par cette autre voie. Timelkiya est le port point de départ réel de la Sukinnu-route et de la contrebande.
Luhuzatia a aussi joué le rôle de place d’aiguillage, sans doute pour les convois d’Assur qui arrivaient davantage par le nord.
Depuis Hahhum, du fait de la présence des montagnes vers l’ouest, avant d’atteindre la mer, la suite de l’itinéraire des caravanes venues d’Assur était donc :
- Soit vers le nord nord-ouest, en direction de Luhuzatia, Hurama ou Salahsuwa ;
- Soit vers le sud sud-ouest, en direction de Timelkiya.
Kt. C/k 1094 publié dans « Kültepe Tabletleri IX-a » par Irfan Albayrak et Hakan Erol montre un itinéraire vers Alalakh : « 4 shequel d’étain quand j’ai quitté Hahhum; 15 shequel à Haqqa, 4 shequel à Alaha, 7 ½ shequel quand moi et Sakkalum sommes arrivés ici ; J’ai pesé tout cela au nom d’Assur-tab. »
Haqqa, qui est une étape intermédiaire, est souvent mentionné dans les tablettes de Kültepe. Le lieu d’arrivé « ici » n’est pas indiqué, mais Timelkiya y est très probable.
Bien évidemment, s’agissant d’un itinéraire de contrebande, les marchands assyriens ont dû prendre garde de ne pas le dévoiler aux autorités de Kanès.
Dans « Kültepe Tabletleri XII », Klaas R. Veenhof a traduit Kt 86/k 192 : « 3 mines et 5 shequels d’étain, voilà ce que j’ai payé à l’officiel ; 1 mine et 35 shequels d’étain à votre messager pour Kanès. 1 mine pour votre messager. 1 1/6 litre d’huile de première qualité et divers articles que j’ai utilisés à Nehiriya. La moitié d’une mine d’étain pour Su-Assur, notre nakirum. 50 shequels d’étain pour un vêtement qu’ils ont choisi dans Haqqa. 4 mines et 10 shequels d’étain appartiennent à Puzur-sadu’e que tu m’as transféré. 21 shequels d’étain j’ai donné au nakirum quand vous avez envoyé un message pour Kanès. Quand nous sommes allés à Zalpah on a dépensé 31 shequels d’étain. Un shequel de cuivre j’ai payé dans Abrum. » L’ordre des cités mentionnées n’est probablement pas représentatif d’un itinéraire dans ces listes de dépenses. Néanmoins, la présence d’Abrum, toponyme très rare dans les archives de Kanès est importante : il s’agit probablement d’Apparum ou Apparu déjà référencé dans ce blog le long de l’Euphrate : la dépense d’un shequel est probablement celle de la traversée du grand fleuve.
Dans « Kültepe Tabletleri XI-a », Hakan Erol a traduit Kt 92/k 360. Su-Istar dit à Assur-bani ! « Pourquoi reste-t-il là jusqu’à aujourd’hui ? Envoyez Usagi avec [...] avant lui pour qu’ils puissent venir ici. Aussi, ne tardez pas là-bas à Asasuwa ; Envoyez-le à la première occasion. Achetez une ceinture Talhat pour ma taille et envoyez-la-moi. A la première occasion, envoyez-moi le sceau que j’ai envoyé pour le transport à Asasuwa. Je suis assis ici. Si je ne suis pas là, demandez-leur de remettre le sceau à Iddin-abum, scellé de votre sceau. » Dans ce dernier texte, Asasuwa est Hazazu, l’actuelle ville d’Azaz.
Voilà de probables étapes intermédiaires de l’itinéraire Hahha-Timelkiya : Haqqa, Abrum, Hazazu et Alalakh.
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