Ili-imitti, un industriel du cuivre du début du 2e millénaire avant notre ère

Hakan Erol, dans « Kültepe Tabletleri XI-a », a publié les archives de Su-Istar. Ce commerçant a exercé entre 1892 et 1837 avant J-C. En plus d’une maison à Kanès, où il habitait le plus souvent, et dans laquelle les archives ont été retrouvées, il avait une succursale à Subarum dans laquelle exerçait un de ses fils, Ili-imitti. En fait, Ili-imitti, bien que s’occupant des affaires de son père, a trouvé un domicile à Marithum, là où se trouve un palais selon Kt 92/k424 : « J’habite à Marithum. Je vais prendre le cuivre du palais et j’irai à Wahsusana. En plus du cuivre qui se trouve à Saladuwar, j’ai laissé à Sarrum-Suen mille mines de cuivre lavé provenant du prix de vos tissus précédemment vendus. Dès que j’entrerai à Wahsusana, je ferai un billet à ordre sur votre compte pour 2 ou 3 wagons de cuivre et je l’enverrai. Tu es mon père, tu es mon maître. Ne me traite pas mal ! Laisse tes instructions chez Assur-rabi. »
Plusieurs indices orientent vers une origine louvite de Su-Istar et de sa famille : notamment son sceau fait apparaître des caractères en hiéroglyphes louvites.
En plus, nous avons la chance de la présence d’un nom de fils, Ili-imitti extrêmement rare, qui ne semble pas avoir de doublon dans l’ensemble des courriers traduits de Kültepe. Si quelques tablettes font apparaître qu’Ili-imitti a accompagné plusieurs caravanes avec ses frères ou cousins dans sa jeunesse, très rapidement ce fils de Su-Istar a pris son indépendance en étant le seul à rapporter à son père de ces actions depuis Subarum et/ou Marithum.

Ports du sud de l'Anatolie mentionnés dans les textes paléo-assyriens

Ports du sud de l’Anatolie mentionnés dans les textes paléo-assyriens

La proximité du lieu de travail d’Assur-imitti, Subarum, avec Marithum et Saladuwar, notamment avec Assur-rabi qui y dispose d’un comptoir, est par ailleurs confirmée par d’autres textes : Ainsi sur les 23 tablettes d’Assur-imitti (auteur ou co-auteur) publiées dans l’ouvrage, 10 évoquent Saladuwar, dont 7 concernent Assur-rabi.
Cette stabilité permet de connaître les types de marchandises qui transitent dans son port : une juste analyse des flux n’est possible qu’avec une bonne localisation des villes portuaires évoquées.
Kt 92/k503 donne une bonne vue des activités commerciales et de transformation de minerais par Ili-imitti : « […] Nous achèterons 2000 mines de cuivre brisé auprès des locaux et des intermédiaires. Je ferai attention et je ferai payer la matière première (probablement au palais). Je transformerai le cuivre en cuivre lavé que je rembourserai à Marithum (au palais) et les créances, je les collecterai ici, et j’emporterai le cuivre lavé chaque fois que la route sera ouverte, partout où la route sera ouverte (cette dernière phrase confirme la localisation portuaire, la navigation n’est pas possible lors des tempêtes) […] »
Sur les 10 tablettes qui évoquent Saladuwar, deux concernent un transport vers cette ville d’argent ou d’or et trois de cuivre. Ainsi, vers l’orient, il exporte surtout du cuivre lavé ou de l’argent. En ce qui concerne l’argent, en plus de Saladuwar, il en a aussi transporté à Hurama, à Assur et à Timelkiya. A l’inverse, il vend dans sa région, sans doute au détail, le tissu ramené d’Assur par son père ou d’autres commerçants.
Ili-imitti est allé plusieurs fois à Wahsusana, notamment pour son commerce de cuivre. Dans cette cité il est difficile de savoir s’il s’approvisionne de cuivre brut ou s’il y vend du cuivre lavé. Enfin il s’est aussi déplacé pour cette même raison à Tuhpiya et à Kuburnat, qui semblent être d’autres lieux fournisseurs de cuivre brut.
Cependant, il semble qu’Ili-imitti ait inondé les marchés en cuivre dans sa région. Dans « The Assur-nada Archive », Morgens Trolle Larsen a traduit VS 26,29 qui montre un effondrement du prix du cuivre : « Allez ! Contre la volonté de Dieu, ils m’ont retenu à Saladuwar pendant 8 mois ; de plus, des marchandises d’une valeur d’environ 20 mines d’argent ont été immobilisées avec moi. Donc, si effectivement j’avais investi dans le cuivre, j’aurais subi des pertes de 5 mines d’argent. Il n’y a pas seulement ce déficit, mais Su-Istar et ses associés s’abstiennent de procéder à la réparation. »
Dans « Correspondance des marchands de Kanis au début du 2e millénaire avant J.-C. », Cécile Michel a traduit deux courriers d’Ili-imitti qui concernent la vente de fer, dont BIN 4,50 : « Avec l’argent issu du prix du fer-amutum, achetez des étoffes-pirikannum, scellez-les, puis remettez-les à Amur-Istar et Su-Anum afin qu’ils me les apportent. Ici, les étoffes-pirikannum seront vendues contre argent, puis moi je récupérerai mon argent, et Amur-Istar et Su-Anum en recevront le bénéfice. »
Deux autres courriers au moins mentionnent la recherche d’acheteur pour du fer-amutum, dont Kt 92/k 534 de Su-Istar qui jette un doute sur la qualité du fer-amutum. Su-Istar a confié la vente du fer-amutum dans Wahsusana à Iddin-abum. Ce dernier a déclaré : « J’étais votre représentant à Wahsusana. Vous m’avez laissé des bagues fantaisies qui valent 6 seqel 22 ½ uttat, et je les ai prêtées à Assur-malik, le fils d’Erraya. Vous avez dit : « Vendez-les au meilleur prix possible ! » ».
Il est possible que ce fer-amutum soit en fait un sous-produit du processus de réduction du cuivre : il peut libérer plus au moins de fer selon les experts de ces méthodes. Cela dépend de la qualité du minerai.

Enfin, il faut souligner la créativité d’Ili-imitti qui, d’après les textes, serait l’inventeur d’une « boîte » pour le transport terrestre des marchandises. C’est le texte Kt 92/k 687 qui rapporte l’envoi de la boîte d’Ili-imitti à Burundum, chez Baziya, pour y charger 13 pièces de tissu de qualité. Il s’agit probablement d’un chariot antique.

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