En 1911, dans le tome I d’« Egyptian Hieratic Texts » Alan Gardiner a traduit le papyrus appelé Anastasi I. Il est maintenant entreposé au British Museum. Il s’agit de lettres, qualifiées de satyriques, d’un scribe dénommé Hori destinées à un confrère, Amenemopé, qui convoite le poste de « Maher ». Cette fonction apparaît associée à la conduite d’une armée et aux problèmes logistiques afférents.
Nous avons ici retenu les extraits où Hori énumère les connaissances géographiques nécessaires à la fonction de « Maher ».
Hori souligne les ignorances d’Amenemopé sur le Nord Levant
« Voyons ce que tu vas me répondre ! Je t’expose ici les connaissances que doit avoir un Maher, je te dis ce qu’il y fait :
Tu n’es pas allé au pays de Khatti ! Tu n’as pas vu le pays d’Upi ! Quant à K-d-m (Kadumé), tu n’en connais pas la nature, et Y-g-d-y (Yasbugu) de la même manière. À quoi ressemble le D-m-r de Sese (1) (Sumur) ? De quel côté se trouve la ville de H-r [...] ? Quelle est sa rivière ? Tu n’es jamais parti pour K-t-s (Qadesh) et pour D-b-k (Dabigu) ! Tu n’es pas allé dans le pays des Shasu avec les troupes de l’armée. Tu n’as pas foulé le chemin vers M-g-r (Mekal) (2), où le ciel est sombre le jour, et il est envahi par les cyprès, les chênes et les cèdres qui atteignent les cieux ! Où les lions sont plus nombreux que les léopards et les hyènes, et il est entouré de Shasu de tous côtés. Tu n’as pas gravi la montagne de S-w.
Tu n’as pas foulé la route, tes mains posées sur [...] ton char tiré par des cordes, ton cheval étant traîné. Je t’en prie, laisses moi te le dire […] Tu recules devant son ascension ! et tu préfères traverser son courant à cause d’elle. Tu vois comme c’est bon d’être un Maher ! Ton char repose sur ton épaule ! Ton assistant est usé !
Tu fais une halte le soir, tout ton corps est broyé et meurtri, tes membres sont fourbus. […] du sommeil. Tu te réveilles, et c’est l’heure de partir dans la nuit morne. Tu es seul à harnacher le cheval. Aucun frère ne vient t’aider. Un fugitif est entré dans le camp. Le cheval a été lâché. Le […] s’est retourné dans la nuit. Tes vêtements ont été emportés. Ton palefrenier a sombré dans la nuit, et tu viens de découvrir ce qu’il a fait : il a pris les affaires qui restaient et a rejoint les rangs des méchants, il s’est mêlé au peuple des Shasu en se déguisant en Asiatique. L’ennemi vient piller en secret. Ils te trouvent inerte. Tu te relèves et tu n’en trouves aucune trace. Ils se sont débarrassés de tes affaires. Et ainsi tu deviens un Maher tout équipé ! Comment, tu te bouches tes oreilles ? »
Interrogatoire sur les cités des Phéniciens
« Je vais te parler d’une autre ville mystérieuse : Kpn (Byblos) est son nom. Quelle est sa déesse ? Encore une fois tu ne l’as pas foulée ? Dis-moi où sont B-r-t (Biruta), D-d-n (Sidon) et D-r-p-t (Sarepta). Où est la rivière de N-t-n ? A quoi ressemble I-t ? Il existe une autre ville au bord de la mer, Sr (Tyr) est son nom. L’eau y est amenée dans des bateaux, et elle est plus riche en poissons qu’en sable. »
Villes plus au Sud
« Je te raconterai une autre misère : la traversée du D-r’-m. Tu diras : « Ça brûle plus qu’un dard de frelon (3) » Comme ça ira mal avec le Maher !
Viens, mets-moi sur la route vers le sud vers la région de ‘k-n. Voici le chemin de ‘-k-s-p (Aksapa). A côté de quelle ville passe-t-il ? Apprends-moi, je te prie, sur la montagne de Wsr, à quoi ressemble son sommet ? Où est la montagne de S-k-m (Shechem) ? Le Maher, où fait-il le voyage vers H-d-r (Hatzor) ? Quel est sa rivière ? Mets-moi sur la route de H-m-t (Hamath), D-g-r et D-g-r-el, le terrain de jeu de tous les Mahers. Prie, fais-moi savoir sa route ?
Fais-moi voir Y-’-n.-[...] (Yenoam) ! Si l’on voyage à I-d-m-m (Adummu) vers quelle direction le visage se tourne-t-il ? Ne me fais pas arrêter ton enseignement, amène-moi tes réponses ! »
Interrogatoire sur diverses autres villes
« Viens, laisse-moi te dire d’autres villes qui sont au-dessus d’elles. Tu n’es pas allé au pays de T-h-s (Takhsy), K-w-r-m-r-n (Kur-meren), T-m-n-t, K-d-s (Qadesh), D-p-r, I-d-y, H-r-n-m (Aranama). Tu n’as pas vu Kiriath-n-b et Beth-t-p-r. Tu ne connais pas ‘I-d-r-n, ni encore D-d-p-t. Tu ne connais pas le nom de H-n-r-d qui est dans le pays d’Upi, un taureau sur sa frontière, la scène des batailles de chaque guerrier. Je te prie de m’enseigner l’apparition de K-y-n (Gina), fais-moi connaître R-h-b (Rehob) ; explique Byt-s-ir (Bit-Sani) et T-r-k-el (Djarukha). Le fleuve Y-r-d-n (Jourdain), comment est-il traversé ?
Fais-moi connaître le chemin de la traversée vers Mktj (Megiddo) qui est au-dessus. Tu es un Maher habile dans les actes des braves ! Un Maher tel que toi se trouve capable de marcher à la tête d’une armée ! O Marianu !
[…]
Tu es entré à Y-p (Yapu) et tu as trouvé les fleurs s’épanouir en leur saison.
[…] »
Les forteresses du sud de Cannaan
« Bon monsieur, vous honoré scribe, Maher rusé de la main, à la tête de la troupe, devant l’armée, vous, décrivez-moi les terres de l’extrémité de K-n-n (Canaan) !
Tu ne me réponds ni bien ni mal : tu ne me rends aucun rapport. Viens je te dirai beaucoup de choses, tourne ton visage vers les forteresses du Chemin d’Horus. Je commence pour toi par la T’-t Ssw. Tu ne l’as jamais foulé ; tu n’as pas mangé les poissons des eaux de […] tu ne t’es pas baigné dedans. Viens, je t’en prie, laisse-moi te raconter H-t-y-n ; où est sa forteresse ? Viens que je te parle du quartier de Buto de Sese, Dans la maison des victoires d’Usimare, S-b-el et Ib-s-kb ! Laisse-moi te décrire la manière de Y-n-n. Tu ne connais pas son emplacement ? N-h-s et H-b-r-t, tu ne les as jamais vus depuis ta naissance ? O Mohar, où est R-ph (Raphia) ? Comment est son mur ? Combien de lieues faut-il marcher jusqu’à K-s-t (Gaza) ? Réponds vite ! Remets-moi un rapport, que je puisse t’appeler « un Maher », que je puisse me vanter aux autres de ton nom de Marianu. Ainsi leur dirai-je.
Tu es en colère contre ce que je t’ai dit ? Je suis expérimenté à tous les niveaux. Mon père m’a appris, il m’a connu et instruit très souvent. Je sais tenir les rênes, bien au-delà de tes compétences !
[…]
Voilà, je t’ai enseigné la nature du Maher. J’ai traversé pour toi Tnw (Retenu).
[…] ».
Remarques :
(1) D-m-r de Sese est le plus souvent traduit par « Sumur de Ramsès » par référence à la célèbre ville d’Amurru mentionnée dans les courriers d’Amarna
(2) Ici M-g-r est considéré comme étant le nom d’un dieu, Mekal, qui était notamment honoré à Beth-Shan (voir « Mekal The God of Beth-Shan » d’Henry O. Thompson ») et plus globalement vers l’Est des actuels pays du Liban et d’Israël.
(3) La région maintenant évoquée semble être celle d’un désert
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