Samas-tappai : Un esclave navigateur ?

Un transporteur maritime ?
Dans la page « Le transport Sikkum » nous avons repris le texte « ATHE 66 » traduit par Cécile Michel dans « Correspondance des marchands de Kanish ». Dans ce texte, des hommes sont embauchés pour un transport Sikkum et un salaire leur est versé. Dans ce blog, nous considérons que le transport Sikkum est une traversée maritime de l’île de Chypre vers le Levant. Le dénommé « Samas-tappai » y est désigné d’office ! Et nous avons la chance d’avoir ici un nom extrêmement rare. Ce qui permet de considérer ses mentions dans toutes les archives de Kanès aujourd’hui publiées.

Un maître de bord esclave ?
Dans « Kültepe Tabletleri V » de Klass R. Veenhof, où sont traduites les archives de Kuliya, ce nom n’apparaît que dans une seule tablette, « Kt 92/k240 », qui est une liste de six tablettes qui auraient été rangées dans un tamalakkum, la dernière est : « une tablette pour ½ mine d’argent, avec le sceau de Puzur-Istar fils d’Ali-abum, concernant le prix d’achat de Samas-tappai ». Or, dans l’ouvrage, Klass R. Veenhof indique que les archives de Kuliya sont datées de la fin de la première période du karum de Kanès et que Puzur-Istar est probablement le frère de Kuliya, et qu’il aurait vécu peu de temps.
Cette condition d’esclave pour le principal transporteur Sikkum est confirmé par « Pa.24 (L29-581) » publié dans « The Assur-nada Archives » de Morgens Trolle Larsen : « Pour Assur-nada et Samas-tappai, de la part d’Izi-méa ; spécialement pour Assur-nada : Mon personnel était prêt à partir avec ces autres lorsqu’un cochon m’a attaqué, alors je suis tombée et je me suis cassée la jambe et je suis détenue ici. Moi et Samas-tappai ne détenons aucun capital d’exploitation de Puzur-Assur fils d’Ennam-Assur, alors pour quelle raison détiennent-ils mon esclave ? Mon cher seigneur, mon soleil, saisis Samas-tappai et envoie-le ici. Il n’y a personne pour prendre soin de mon personnel. Mon cher père, mon personnel ne doit pas périr faute de quelqu’un pour prendre soin d’eux. »
Izi-méa est probablement, aussi, de la famille de Kuliya. Dans « TC2,58 » elle apparaît à Assur sous la dénomination « Méa » avec Ababaya la femme de Kuliya. Et puis, ce Puzur-Assur est probablement le même personnage que celui du courrier en début de la page « Le transport Sikkum ».
Samas-tappaï est mentionné dans un texte « Kt 94/k 1785 » publié par Morgens Trolle Larsen dans « Kültepe Tabletleri VI-e » :

  • « 28 esclaves : Manniya ;
  • 21 esclaves : Assur-bani ;
  • 8 ½ esclaves : Zunanum ;
  • x+3 esclaves sont à Su-Rama ;
  • […] Manniya paiera.
  • x mines 6 plus 22 ½ grains : Assur-bani
  • 12 ½ shequels : Zunanum
  • 1/3 mines 3 5/6 shequels : Samas-tappai. »

Il s’agit apparemment d’une vente d’esclaves en groupes. Samas-tappai semble y être un bénéficiaire, mais il n’est pas le propriétaire. Ce qui confirme le statut intermédiaire de cet homme, autonome financièrement : ce serait une sorte d’esclave contre-maître, un commandant de bord esclave. Et, probablement qu’il avait besoin de bras pour mener à bien son activité. Ici nous considérons qu’il s’agit de l’utilisation d’esclaves rameurs pour effectuer des traversées maritimes.
Samas-tappai est probablement le transporteur du cuivre de l’affaire de « Wahsusana ». Son nom apparaît dans les archives de Buzutaya, dans « Kültepe Tabletleri IX-a », texte « Kt. C/k 1036 » de Su-Istar à Istar-bani : « […] Iddin-Samas se rendit près de Samas-tappai, mais il ne lui paya pas d’argent […]. » Il a dû servir quelques années dans la famille de Buzutya par l’intermédiaire de Suli, un autre fils de Buzutaya. Sa vente est annoncée à son frère, Assur-emuqi, dans « Kt. C/k 1167 » : Suli dit à Assur-emuqi et Burkanum : « Informez d’abord Burkanum ! J’ai vendu l’esclave à Usur-sa-Assur pour 75 mines de cuivre et Tura-Belum l’a envoyé à Wahsusana avec vos esclaves. Il donna également 60 mines de cuivre à Samas-tappai. 15 mines de cuivre sont pour lui. Assurez-vous qu’il me le donne au début de mon voyage. En outre, les habitants d’Usa m’ont livré 100 mines de cuivre. Au début de mon voyage je lui ai dit : « Donne-moi ce que les Ussaliens ont livré pour toi ». Je lui ai également parlé du cuivre brut qu’il avait confié à Samas-tappai. […] […] »

Une gestion assyrienne des risques en mer ?
Samas-tappai a changé de propriétaire de nombreuses fois. Il apparaît dans d’autres textes avec un co-équipier. Voici en exemple « CTMMA 1,89 » des mêmes archives : « Ili-asranni et Samas-tappai possèdent 1 ½ mines d’argent d’Assur-nada, depuis la semaine de « Su-Illil et Elali », et ils ajouteront un intérêt au taux de 2 ½ shequels par mois et pas mine (en cas de retard). Il possède de l’or sous leurs sceaux comme garantie de sécurité » Témoin Iddin-abum, témoin Ilabrat-bani. »
Samas-tappai a un autre partenaire dans « BIN 4,154 » : « Sur les 2/3 de mins 5 shequels d’argent du capital d’exploitation de Samas-tappai et Ilum-malik que Kurub-Istar a donné, 1/3 mina 2 1/2 shequels d’argent, le capital d’exploitation d’Ilum-malik, Illil-bani doit payer aux représentants de Kurub-Istar, à Assur-nada et Assur-samsi ; il partira et, dans la ville (Assur), Kurub-Istar montrera l’acte original aux représentants d’Ilil-bani. S’il ne montre pas la tablette, alors Assur-nada fils d’Assur-idi, et Assur-samsi fils d’Amaya, doivent payer 50 pour cent du 1/3 de mines, soit 2 1/2 shequels d’argent à Illil-bani. Pour 1/3 de mines 2 1/2 shequels d’argent, Kurub-Istar doit poursuivre Samas-tappai. Si Samas-tappai et Ilum-malik sont vendus, ils doivent alors discuter avec leurs témoins. Nannia, Katatum et Usup-iskum sont les juges. »
Ici, le capital d’exploitation semble surtout constitué de la force des deux humains en question, mais peut-être, aussi, qu’il s’y trouve un navire. Le texte est loin d’être clair. Mais, s’il s’agit bien du même Samas-tappai, ce dernier aurait eu une exceptionnelle carrière longue.

Le statut qui apparaît dans ces textes pour Samas-tappai devait répondre à un besoin des Assyriens. Dans ce blog, il est considéré qu’il s’agissait d’une façon de gérer les aléas climatiques : les Assyriens en connaissaient tous les risques c’est sans doute pour cette raison que cela a été confié à des esclaves.

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