Dans « Kültepe Tabletleri IX-a », Irfan Alabayrak et Hakan Erol ont publié les archives de Buzutaya et de sa famille. Ce commerçant du début du 2éme millénaire avant notre ère était un grossiste qui traitait d’importants volumes de marchandises. Il travaillait surtout avec ses enfants Suli et Ah-salim. Dans de nombreux textes, Ah-salim est actif au karum de Wahsusana, mais sans y habiter :
- Kt. c/k 1213 : « Pour Buzutaya ! Ah-salim dit : Sumi-abiya, fils d’Amuraya, vous apporte 3 mines et 4 shequels d’argent avec notre sceau. Conformément à vos instructions, j’irai à Wahsusana et je reviendrai avec de l’or. Je n’y resterai même pas un jour ».
- Kt. C/k 1508 : De Ah-salim à Istar-bani : « […] Les tissus expédiés du palais sont arrivés chez Su-Belum à Wahsusana » […] « Je livrerai le reste de votre étain et de votre tissu à Wahsusana dès que possible. Jusqu’à 10 mines d’argent vous reviendront ».
C’est dans « Kültepe Tabletleri XI-a », de Hakan Erol, que se trouve le lieu de la succursale de Ah-salim (Kt 92/k 822) « […] le cuivre qui se trouve à Ulama ; Ah-salim pèsera le cuivre de Su-Istar à Ulama. Son argent passera en « Eqlum » à Ulama au nom d’Ah-salim. […] »
Et ici il apparaît un nom de région « Eqlum » ou « Eqlam » qui est significatif d’une frontière. Les traducteurs turcs ont considéré qu’il s’agissait de l’Anatolie. Et donc, ici, face à Ulama, la ville de Wahsusana, n’était pas en Anatolie. Il s’agit d’un indice sérieux de la bonne localisation ici proposée sur l’île de Chypre.
Kt. c/k 1515 donne un aperçu du rôle d’Ah-salim, avec, en même temps, le nom d’un collègue : « Hanunu et Su-Istar disent ! Pour Istar-bani ! Avant l’arrivée de Su-Istar, Masi-ili apportait tous vos tissus à Wahsusana. Le fils de Pusu-ken gardait des paquets d’étain valant 4 talents dans son cercle de karum et quand Su-Istar est arrivé, il a donné le tissu à Ah-salim au lieu de l’étain, mais Ah-salim s’est plaint et en final, il a remis tout l’étain à Ah-salim. »
Et donc, deux assyriens, Ah-salim et Masi-ili étaient chargés de réceptionner les marchandises à Ulama pour les faire passer à Wahsusana : ce qui représente un transport régulier en mer.
Kt. C/k 1508 précise que l’étain était conditionné de façon spécifique sous forme de paquets « suqlum » : « Ah-salim dit ! Pour Istar-bani ! Tu m’as écrit et tu as dit : « Masi-ili a ouvert mon colis suqlum et a pris 20 mines d’étain à l’intérieur ». […] Les tissus expédiés du palais sont arrivés chez Su-Belum à Wahsusana. Le bureau du Karum nous a rendu les 9 étoffes de tissu qu’ils ont pris au palais et le tissu est ici. Conformément à vos instructions, j’ai pris 2 talents et 20 mines d’étain dans 4 paquets suqlum. Les chefs du transport de Hunniya ont acheté l’étain pour 17 shequels chacun. Vous m’avez acheté l’étain 14 shequels pièce. Donnez-moi le reste de l’étain au fur et à mesure. 1 paquet suqlum est conservé par le bureau du karum au titre de la taxe sadduatum. 1 paquet suqlum est dans notre maison de transit. »
Dans « Correspondance des marchands de Kanish », Cécile Michel indique, en s’appuyant sur K.R. Veenhof, que le colis suqlum pèse environ 65 mines, et que c’est un des conditionnements le plus lourd pour l’étain. Pour les livraisons de ce métal à Wahsusana, ce mode de paquetage semble être la règle, certaines fois il était réalisé dès le départ d’Assyrie. Mais d’autres types de conditionnement de l’étain étaient préférés pour les transports à l’aide d’ânes.
Ah-salim et Masi-ili s’appuyaient sur une équipe de transporteurs (un équipage) souvent dirigée par Hunniya. « Kültepe Tabletleri IV », de Irfan Allbayrak, « Kt.o/k 197 » nous apprend que Hunniya est un fils d’Assur-imitti, le marin, et donc un petit-fils de Su-Istar.
Ces textes paléo-assyriens ne font pas apparaître de « bateaux » ou de « navires » : il est possible, en fait, que ces mots n’existaient pas. Les moyens de locomotion maritime devaient être très simples : probablement des radeaux longs avec des emplacements pour des rameurs de part et d’autre.
Il faut remarquer, dans les textes ci-dessus, que Ah-salim et Masi-ili entreposent quelques temps les marchandises en transit, probablement pour attendre une mer favorable à la traversée. Ce délai a dû irriter les donneurs d’ordres d’Assur qui voulaient rapidement leur argent en retour des tissus et de l’étain envoyés. Plusieurs courriers montrent qu’ils ont fini par taxer l’argent de Wahsusana, celui qui servait à payer les marchandises. Ainsi Kt. C/k 1198 est rédigé ainsi : « Les conseillers grands et petits du Karum ont rendu le verdict ! À propos de la quantité d’argent que le karum de Wahsusana gardait chez Puzur-ana au nom de Buzutaya. Puzur-ana paiera des intérêts à partir du jour où il réceptionnera l’argent. […] »
Mais peut être, aussi, qu’ils se sont rendus compte que l’argent arrivait à Wahsusana par des itinéraires qu’ils ne maîtrisaient pas.
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