En Anatolie, au début du 2ème millénaire avant notre ère, Ninassa est mentionnée dans les tablettes des marchands de Kanès, surtout dans les textes qui évoquent les transports Sikkum. Ils montrent que Ninassa était un port face au levant, localisé sur l’île de Chypre.
Ici il est fait une distinction entre Nenassa et Ninassa : il y avait, au paléo-assyrien, deux cités distinctes avec un nom similaire. Nenassa étant au centre de la péninsule anatolienne. Des confusions se sont produites aussi bien dans les tablettes paléo-assyriennes de Kültepe que dans les traductions récentes.
Il en a été de même dans les archives de Hattusa. Voici les principales mentions des archives hittites qui concernent cette ville de Chypre :
- Dans les annales de Hattusili I, lors d’une campagne contre l’Arzawa, Ninassa ouvre ses portes sans combat ;
- Un dignitaire, de nom Ammuna, était prince de Sukziya, Pimpirit et de Ninassa.
Et puis cette désignation de ville apparaît également dans les archives d’Ebla : il y est évoqué une dame de Ninas.
Enkomi est un site archéologie chypriote situé à quelques kilomètres de l’ancienne Salamine, dans la baie de Famagouste, commune de Tuzla, dans la vallée d’un fleuve côtier au pied d’une colline. C’est probablement ce paysage qui a fait évoluer le nom de la cité en Halbu-nana, « Halbu » signifiant « colline ». Halbu-nana est mentionnée dans les archives d’Ougarit, notamment dans RS 17.340 – a proximité de Salma – qui est une liste des villes frontières du pays d’Ougarit. Nanu’u est une autre désignation dans les mêmes archives.
Ce toponyme est probablement celui qui est l’origine de la dénomination néo-assyrienne d’une partie de l’île de Chypre : « Adnana».
L’exploration archéologique du site a débuté depuis longtemps, en particulier au 20e siècle par des missions anglaises, suédoises et françaises. C’est Claude Frédéric Armand Schaeffer qui a laissé la plus abondante documentation sur ses dernières fouilles. Une nécropole a été identifiée en premier. Grâce à lui il est admis qu’il existait au même endroit une large cité du bronze récent, avec d’importantes fortifications.
La ville était un port de commerce avec une activité métallurgique importante vers la fin de l’âge du bronze (Schaeffer a identifié le lieu des fondeurs), avant la montée en puissance de Salamine. Les statuettes du dieu cornu et du dieu au lingot en sont l’illustration.
https://www.persee.fr/doc/mom_0766-0510_1993_act_22_1_1793
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1949_num_93_2_78374
Dans « The Old Assyrian copper trade in Anatolia » Jan Gerrit Dercksen a étudié le commerce du cuivre au paléo-assyrien. Il a évoqué le cuivre-sikkum qui, probablement, était associé à une qualité de minerai du fait d’une activité métallurgique à Ninassa même en mentionnant le texte « TC 3,10 » (repris de CAD E) « Le souverain de Ninassa devrait fondre vingt talents de cuivre au Sikkum ».
Les datations de l’occupation d’Enkomi sont maintenant réévaluées sur le début du 2e millénaire. Des écrits y ont été trouvés, mais leur langue, appelée Chypro-syllabique, n’avait pas permis d’identifier l’ancien nom.
L’envergure des vestiges archéologiques a amené des historiens à considérer que la ville pouvait être l’ancienne Alasiya.
Dans ce blog, en s’appuyant sur l’analyse des textes de Kanès et d’Ougarit la dénomination Ninassa (puis Halbu-nana) est proposée. Les textes paléo-assyriens coïncident parfaitement avec les résultats archéologiques.
Mes notes de vraisemblance :
Enkomi était la paléo-assyrienne Ninassa : 3/5
Enkomi était Halbu-nana des textes d’Ougarit : 3/5
31 janvier 2025
Age du bronze, Bronze moyen, Chypre, Empire des Hittites, Europe, Pays d'Ougarit, Pays d'Ougarit