Ougarit, le site dit de Ras Shamra, en Syrie, fut exhumé par les archéologues français C. Schæffer et R. Dussaud, à partir de 1929. Son principal succès réside dans l’abondante documentation en tablettes cunéiformes, dans plusieurs langues : en akkadien, en ougaritique, en nésite, en hourrite, en Cypro-Minoen, et quelques hiéroglyphes égyptiens. Très vite, les archéologues ont compris qu’il a existé, à Ougarit, des colonies d’étrangers, surtout composées de marchands.
On y apprend que, vers le milieu du 2e millénaire avant J.-C., Ougarit était en relation avec deux principaux royaumes vassaux, Siyannu et Usnatu. Les tablettes montrent qu’à un certain moment ces deux entités n’en ont plus formé qu’une seule, appelée royaume de Siyannu / Usnatu.
C’est fort logiquement que, suite aux premières traductions, les fouilleurs ont étendu leurs recherches vers le sud, sur le site du Tell Siano qui a été d’office suspecté comme étant la capitale du Siyannu, alors qu’aucun rapprochement n’a été avancé pour Usnatu vers les alentours.
20 années de fouilles du Tell Siano ont permis de remonter à un niveau du Bronze Ancien, mais sans vestige. C’est surtout une forteresse de l’Âge du Fer qui a été exhumée. Les archéologues en ont déduit que, probablement, c’est cette dernière construction qui a provoqué la disparition des vestiges de l’Âge du Bronze.
Et si ce site n’était qu’une ville-ambassade d’un pays maritime plus important ?
Malgré le résultat des fouilles, beaucoup de chercheurs soutiennent l’hypothèse de la localisation de ces petits états, Siyannu et d’Usnatu donc, au sud du petit royaume d’Ougarit, alors que Sylvie Lackenbacher s’est posé la question de la présence d’une thalassocratie à Ougarit.
Les textes traduits montrent incontestablement qu’Ougarit avait une activité tournée vers la mer. Par exemple, une tablette alphabétique, identifiée RS 18.148, est une demande d’armement de 150 navires pour le transport du grain. Ce qui est considérable : la flotte d’Ougarit devait être aussi importante que celle des actuelles compagnies d’armateurs.
Il y a aussi, expédiée de Chypre, la tablette RS 20.18 qui précède la destruction d’Ougarit. Le gouverneur de l’île y signale vingt bateaux entre des mains ennemis et ajoute : « Ce sont les gens de ton pays et tes bateaux qui ont fait cela ! ».
Et puis les archéologues ont trouvé une architecture plus proche du monde mycénien que de Syrie. Les fouilles ont exhumé un trésor entreposé dans un vase mycénien, avec, notamment, des pendentifs en or d’une déesse nue avec une coiffure hathorienne, des statuettes en cuivre, dont certaines proches du dieu Osiris.
Aussi, d’autres interprétations sont possibles. La terminaison en « nnu » est un suffixe pluriel d’origine Hourrite.
Les textes hittites ont permis de porter à notre connaissance un état appelé « Pays de la rivière Seha », vers l’antique ville de Troie. Et des hiéroglyphes égyptiens évoquent un lieu appelé Seh, souvent traduit par Orion.
L’analyse des textes d’Amarna permet de comprendre que différents pays maritimes se partageaient les ports de la méditerranée pour effectuer des navigations par cabotage. Byblos, sous contrôle égyptien, avait alors un territoire maritime important.
Abdi-Anati, roi de Siyannu d’après les textes d’Ougarit, avait un sceau où il apparaît sous la dénomination d’Abdi-Ninurta. Ce même nom est mentionné dans le courrier EA 84 d’Amarna en même temps qu’Ummahnu et son mari Milkuru. Ces derniers souverains étaient en contact avec le roi de Byblos.
Il est plus probable que Siyannu et Usnatu étaient deux autres pays maritimes de la mer Méditerranéenne. A cette époque-là, les pays maritimes disposaient de leurs propres ports le long des côtes, dans la continuité des opérations commerciales initiées par les marchands assyriens au début du 2e millénaire avant J.C (voir ici).
Le Tell Siano est ici considéré comme étant une ville majoritairement peuplée d’originaires du pays du fleuve Seha, ou comme un port ou une ville-ambassade du pays de la rivière Seha.
Mes notes de vraisemblance :
Le Tell Siano était une ville-ambassade du pays de Siyannu, au sud d’Ougarit : 3/5
Le pays de Siyannu était le pays de la rivière Seha, connu des Hittites : 2,5/5
16 mars 2024
Age du bronze, Bronze final, Empire des Hittites, Levant, Pays d'Ougarit, Syrie